pouet pouet

Ce n'est pas tant qu'il ne s'est pas encore habitué à l'enfer, depuis ces quelques deux dernières années, mais c'est plutôt qu'il a pris quelques habitudes dont il a du mal à se défaire : et ce n'est pas les regards au coin de Mikael, tantôt moqueur que désabusé, qui changeraient quoi que ce soit à ça. Son propre cercle avait pourtant été méthodiquement agencé et installé, mais lorsque venait le moment de s'y installer trop longtemps, l'angoisse remontait automatiquement. Lorsqu'ils étaient arrivés, il avait tant pris l'habitude de « dormir » (une activité qu'il ignorait jusque lors et dont il savait apprécier les vertus, de temps à autre) du côté de celui de Samaël qu'il n'arrivait plus vraiment à faire autrement. Ou alors, c'était tout simplement qu'il n'aurait jamais réussi à le faire seul ; l'hypothèse était tout à fait valable, mais il évitait de trop y penser. Si il avait eu plus de recul sur lui-même, il aurait probablement remarqué, d'ailleurs, que le fait qu'il y traîne aujourd'hui était loin d'être étranger au trouble qui le parcourait.

Quelque part, il aurait dû se douter que quelque chose n'irait pas. Que quelque chose cloche avec lui n'était pas nouveau : pour ainsi dire, c'était même habituel. Des ailes trop petites, une grâce dissonante et inférieure, une arme qui n'était pas apparue avant une éternité... Il ne faisait plus la liste, au bout d'un moment. Avec un certain désabus, il avait pensé que c'était simplement car en tant que dernier né des archanges, il n'avait pas tant d'utilité que ça et qu'il ne servait donc à rien de trop le doter. Il n'était qu'un jardinier, à la base. Terraformer était bien la seule de ses capacités qu'il pouvait s'enorgueillir de maîtriser : mais là encore, ce n'était pas venu automatiquement. Il y avait fallu tant de pratique que lorsqu'il observait ses confrères d'alors, il ne pouvait pas s'empêcher de ressentir une pointe d'amertume. Aucune jalousie, toutefois, ne s'était présentée. Seule une certaine exaspération contre lui-même s'était renforcée, tant et si bien qu'actuellement, il ne voyait pas en quoi la situation actuelle n'était pas de sa faute.

En jetant un coup d’œil à son reflet dans le miroir, ses yeux continuent de s'attarder sur son plumage sagement retiré dans son dos. La cicatrice entre elles s'est lentement refermée, ne laissant plus qu'une trace rouge, fantôme de l'épée qui avait traversé sa chair et dont la douleur, de temps à autre, se rappelait à lui dans des picotements désagréables. L'éclat vert du bout des plumes est encore impeccable, parfaitement régulier et distribué, venant former un motif d'arc sur toute la largeur de ses ailes dorénavant bien mieux entretenues.
Et, pourtant, toujours désespérément blanches.
Elles ont pourtant doublé de taille, depuis qu'il a quitté le paradis. Rien d'étonnant, vu sa considérable montée de force, mais pas la moindre ombre n'est venue les obscurcir. Il s'est pourtant montré patient ; mais tandis que la plupart de ses camarades ayant survécu à la guerre n'avaient pas mis longtemps avant de se retrouver affublé d'un plumage sombre, les siennes gardaient cette pâleur immaculée qui, de plus en plus, tendait à l'angoisser. Alors, pour éviter les regards en coin et les accusations – après tout, on aurait pu le suspecter de traîtrise, ou d'avoir des « regrets » - , il avait pris l'habitude de les dissimuler lorsqu'il devait être vu. Pas que ce soit une grande nécessité en soi, toutefois, préférant travailler dans l'ombre, mais tout de même. Quelques murmures mesquins avaient déjà suffi à le rendre nerveux. Il avait pourtant tenté pas mal de choses, mais rien, jusque là, ne semblait fonctionner. Et plus le temps passait, plus il se retrouvait à attendre, les murmures dans sa tête se faisant plus insistants encore ; et si, dans le fond, sa loyauté était douteuse... ? Si quelque chose de là-bas subsistait en lui... ?

Dans un soupir fatigué, il finit par éloigner son regard de la glace. Il n'avait pas l'impression qu'observer allait lui amener grand chose, de toute façon. Le balcon n'étant pas loin, il n'eut qu'à faire quelques pas pour se retrouver dehors ; n'ayant jamais apprécié de se balader trop haut sur les toits ou les hauteurs, il préférait encore se mettre là. La tête appuyée sur la balustrade, son regard divagua vaguement sur le jardin de ronces en bas. Il n'aurait pas su dire pourquoi cet endroit à l'antithèse de ce qui était normalement à son goût lui paraissait si familier et rassurant. Dans ce genre d'humeurs, toutefois, il prenait bien tout ce qui marchait.

« NON ! NATSUME ! »

Il lui sembla ne jamais avoir eu aussi peur qu'à ce moment-là. Et pourtant, son existence était bien longue. Mais il avait senti son aura se perturber d'un coup comme un éclair et son cœur manquer un battement. D'un mouvement rapide, son corps avait agi comme un bouclier pour protéger l'archange de l'attaque de lumière qui le menaçait et qui aurait pu être fatale après le coup de lame sacrée qu'il avait déjà reçu. Et en même temps qu'il avait défendu son allié, il avait senti ses ailes se mettre à brûler de manière incandescentes. Mais point de douleur, cependant. Plutôt de la surprise. L'offensive ne lui avait rien fait, pourtant ce fut un choc pour lui en apercevant ses ailes d'aurore brillantes se parer d'une couleur sombre au fur et à mesure que les flammes s'échappaient de ses plumes pour laisser sur leur passage de braises une teinte jamais vue auparavant sur un archange majeur. Le feu n'avait aucunement malmené ses ailes d'enfant de l'aube ; au contraire. Elles étaient désormais plus grandes, plus fortes... Mais elles étaient noires. D'un noir si pur et si intense que le bout de son plumage brillait. Et il était propriétaire d'une puissance colossale qu'il peinait à maîtriser totalement.


Bien des choses ont changé, depuis qu'il a quitté le Paradis. Hormis ses plumes qui ont perdu de leur éclat de pureté et son aura qui s'est assombri tout aussi bien, son environnement s'en est trouvé également transformé. Jadis, il n'avait pas vraiment d'endroit fixe. Le Paradis entier était sa maison, passant chez l'un et l'autre de ses frères quand ces derniers le lui permettaient. C'était comme un enfant curieux de tout malgré son âge avancé par rapport à tous les autres. Mais il n'avait pas perdu de sa malice... Ainsi que de sa paresse. Les réunions ont toujours été très peu pour lui et trouvait toujours une excuse pour disparaître au moment propice. Les fruits des jardins entretenus par les archanges mineurs étaient bien plus à son goût que toutes ces affaires sérieuses qui l'ennuyaient en dépit de ses responsabilités. Mais il avait toujours été plus têtu et paresseux que les autres, c'était comme ça. Moins vertueux tout court, en somme. Et certaines choses s'expliquaient déjà si bien, quand on prenait la peine d'y penser...
Mais depuis qu'il a pris la tête des Enfers, Samaël s'est fixé. Il a laissé des étages libres pour occuper le plus inaccessible d'entre eux et a refait la décoration à sa manière. Il n'y avait que lave, roche et poussière. Il y a donc bâti un château. Une sorte de forteresse qui lui sert à s'isoler si les portes d'entrée ne sont pas suffisantes pour dissuader les plus aventureux ; ou les plus fous. Il a mis autour de ces murs une forêt de ronces sinistres pour chasser les intrus et autres indésirables.

Aujourd'hui, il reçoit une visite particulière puisque nullement indésirable, pour une fois. Pourtant, Samaël est difficile avec ses invités et n'entre pas dans son domaine qui veut. L'accès y est réservé à ceux qui en ont le droit et ils sont très peu nombreux. L'archange mineur qui l'a rejoint depuis le début a toutefois toujours été une exception. Il fait un peu ce qu'il veut sur le territoire du maître des lieux. Et ce dernier se réjouit pas mal de ses allers et venus. Avec un œil dans chaque pièce, il suit donc le chemin de son visiteur qui s'arrête au balcon avec une vue sur une terre désolée et un ciel orageux. Pour tenter de l'impressionner un peu, de loin, le Maître Pêcheur dégage les nuages menaçants pour les remplacer par une nuit étoilée et calme et laisse des belle-de-nuit sur la rambarde où se tient son ami. Puis, telle une ombre, il se glisse près de l'archange jardinier pour le saluer.

« Natsume. »

Ses ailes de jais s'agitent quelque peu à la vue du châtain aux cheveux hérissés. Dans la semi-pénombre, ses yeux dorés brillent tandis qu'un sourire doux se dessine sur son visage que quelques lumières en provenance de la demeure viennent éclairer.

« C'est toujours un plaisir de t'accueillir chez moi. Mais que me vaut ta visite ? »

Il sent un trouble chez lui, sans prendre l'initiative toutefois de deviner ce dont il peut s'agir. Il préfère que l'autre le lui révèle s'il le désire. Mais c'est avec une certaine fierté qu'il peut au moins prononcer le nouveau nom de Uriel alors qu'on lui avait déjà reproché une fois ou deux de rejeter le nom que leur Mère leur avait donné.

Il n'aime pas avoir l'esprit occupé par des pensées parasites. Lorsqu'il était encore gardien du jardin d'Eden, la solitude lui laissait tout le loisir du monde pour le faire la plupart du temps, tant et si bien qu'il n'était peut-être pas si étonnant que ça qu'il ait fini par arriver aux quelques conclusions qui l'avaient mené jusqu'ici. Pour autant, en ce moment, elles lui semblent surtout inconfortables et inutiles, voir largement superflues. Il aurait bien aimé passer son temps à faire des choses plus utiles, mais sa tête refusait de le laisser faire.
La voix qu'il entend et l'aura qu'il sent ne le surprennent pas. Il est, après tout, sur ses terres. Ainsi, il ne sursaute pas et ne se tend pas non plus en le sentant se rapprocher, comme il pouvait encore avoir tendance à le faire lors de la première année de leur installation.Il s'est, au fil du temps, tant habitué à la présence de son camarade que cette dernière lui était devenue aussi naturelle que chaleureuse. Si il tendait à se cacher et se dissimuler des regards pour la plupart des autres, il n'avait jamais ressenti le besoin de le faire avec Samaël. Ou du moins, plus depuis l'époque du paradis. Voilà donc pourquoi il accueillit l'arrivée de son vis-à-vis avec un regard bref, ses ailes se réhaussant légèrement pour le saluer en silence. Discrètement, le début d'un sourire se dessina sur son visage lorsqu'il vit la nuit se tranquilliser et des fleurs venir s'ouvrir près de ses doigts. Il pouvait sentir, même sans beaucoup de mots, l'attention que voulait lui offrir le plus âgé.

« Rien de particulier, j'avais juste... Besoin de réfléchir un peu au calme. »

Il ne ment pas. Il ne ressent pas le besoin de le faire, ayant toujours été sincère avec son ami depuis qu'ils se connaissent, même lorsqu'il n'était pourtant pas forcément censé le faire. Si il était secret et continuait de l'être, il avait, au fur et à mesure que la guerre avançait, développé une entente avec son interlocuteur qui s'était progressivement muée en une confiance certaine. Une affection, aussi, même si il avait toujours du mal à conceptualiser la chose ; pour lui, cela tombait sous le sens de partager ses sommeils et ses pensées avec son camarade. Voilà pourquoi, sans doute, il trouvait le domaine de son ami aussi rassurant, même si la décoration n'était pas forcément à son goût, que les murs lui paraissaient trop hauts et que la mégalomanie de la chose le dépassait un peu. Quelque part, il y avait un peu de sa présence et de lui-même, qu'il se retrouvait, inconsciemment, à chercher. Il n'ose toutefois pas esquisser de rapprochement sur le moment, pour une raison assez idiote.
Le sujet le gêne un peu. Il a la sensation d'être ridicule, mais il n'a pas envie de nier ce qui le trouble non plus. Le cacher éternellement ne servirait à rien, en plus de ça. Dans son dos, l'une de ses ailes se déplia partiellement, ne serait-ce que pour exposer ce qu'il se trouvait sous le point de dire.

« Elles sont toujours blanches. J'ai pourtant tout essayé, mais... »

Dans un soupir las, il posa sa tête sur ses avant-bras, la voix morne. Ce n'était pas comme si il n'avait pas coché les trois quarts des cases nécessaires à une radiation définitive du paradis et qu'il ne continuait pas de le faire avec la consistance d'un chat déterminé à faire tomber le verre de la table pour vous emmerder, pourtant. Et, normalement, elles auraient dû perdre leur blancheur dès lors de son arrivée ici, comme cela avait été le cas pour tous les anges venus jusqu'ici. Obstinément, pourtant, elles restaient les mêmes. Aucune corne n'était venue pousser à la place de son halo brisé. Au bout de deux années, il commençait à se dire que ça n'arriverait même peut-être jamais, si les choses continuaient ainsi. De temps à autre, il craignait ce que cela pourrait pouvoir dire. Son vis-à-vis n'y pouvait rien, mais il se retrouvait là, comme pour chercher sa présence alors que l'angoisse se montrait plus forte que d'ordinaire.

Il est flatté de savoir que son ami vient jusqu'ici pour réfléchir paisiblement quand il en a besoin. Après tout, Natsume a déjà son propre étage. Il peut manier ce dernier comme il veut pour lui trouver une forme qui lui convienne. Nulle obligation d'aller rejoindre Samaël sur son territoire ; et pourtant... Il ne peut pas dire que le voir ici ne lui fait pas plaisir. C'est toujours avec une joie étrange qu'il l'invite dans son domaine privé. Le sommeil qu'il prend à ses côtés est, après tout, bien agréable, surtout depuis qu'il lui en a fait prendre goût.
Son attention se porte sur l'aile qui bouge pour suivre ses propos suivants. Observateur, il scrute les plumes immaculées de son ami qui sont, effectivement, en retard par rapport aux autres qui ont déjà fait leurs valises pour emménager ici-bas.

« Tu es inquiet ?.. »

Néanmoins, Samaël est loin de se faire du souci à ce sujet. Sans enlever son léger sourire doux, il lève une de ses propres ailes sombres pour la comparer avec celle de son allié.

« Ne t'en fais pas. Ce n'est pas grave. Tout vient à point à qui sait attendre. Peut-être es-tu encore trop vertueux pour ce monde...  »

Sur le moment, pour l'instant, il n'a pas vraiment de réponse à donner à l'autre, malheureusement. Il est encore débutant dans cet univers dont il prend lentement mais sûrement les rênes. Il est difficile de comprendre déjà pour lui-même comment ce noir de jais est apparu sur lui. Il est même parfois encore étonné d'apercevoir une telle noirceur, encore peu habitué. Il veut toutefois rassurer le cadet qui semble douter à présent, quand bien même la guerre est passée. Il s'approche du bord du balcon pour se mettre aux côtés de l'archange mineur.

« Mais que tes ailes soient blanches ou noires, tu as ta place parmi nous. »

Il ne veut pas le voir partir s'il considère, finalement, qu'il n'appartient pas à cet endroit. Il souhaite le garder jalousement pour lui, maintenant qu'il a réussi à mettre la main dessus et surtout à l'éloigner des archanges qui les restreignaient.

Inquiet, il l'est. Pas assez pour que la pensée le tracasse jour et nuit, mais juste assez pour que cela le tracasse lorsque son regard s'attarde sur son plumage. Lorsqu'il jette un coup d’œil à celui de son interlocuteur qu'il soulève pour la démonstration, il a bien du mal à comprendre la logique et la vraisemblance de tout ceci. La première suggestion du plus âgé, ainsi, lui tire le début d'un rictus sec.

« Si je suis vertueux, la définition est devenue bien large... »

Après tout, il avait goûté à la plupart des péchés capitaux, de plus en plus à l'aise avec lui-même et ce qui pouvait lui être interdit auparavant, alors il ne voyait pas en quoi cette hypothèse pouvait tenir. Défier le paradis était déjà une offense majeure en soi ; il avait bien fini dans une cage pour ça, après tout. Pour autant, contrairement à l'autre, il avait bien du mal à se dire que ce n'était qu'une question de patience, ou que ça n'avait aucune importance. Comment était-il supposé avoir l'air crédible en donnant des directives aux démons, lui qui ressemblait toujours à l'un de leurs ennemis ?

Il ne s'éloigne pas lorsque l'autre se rapproche de telle sorte à se mettre à ses côtés. Naturellement, son corps s'incline de telle sorte à ce qu'il puisse s'appuyer contre son camarade, détendant partiellement ses muscles sans même s'en rendre compte. Il lui semble déjà que sa poitrine est moins lourde, en entendant qu'il a sa place ici et qu'il n'est pas un intrus. Pourtant...

« Tu es ouvert d'esprit, mais je ne suis pas sûr que tout le monde soit du même avis. »

Il ne serait pas surpris que cela suscite quelques protestations, à vrai dire, que le numéro deux de l'enfer ressemble si peu à ceux sous ses ordres. Et, pour être honnête, il ne ressentait pas le besoin de s'imposer ou de protester contre ça. Cette peur-là, toutefois, était bien moindre qu'une autre, plus insidieuse, qui se rappela à lui par des éclats de souvenirs épars, faisant frissonner ses ailes pendant une seconde.

« Mais je... Je ne veux pas qu'ils aient encore un contrôle sur moi. »

Plus que tout, il craignait que cette connexion avec le monde d'en haut ne perdure ; et, au delà, qu'elle puisse être un jour utilisée. Qu'il reste quoi que ce soit de là-bas en lui le dégoûtait pourtant déjà bien assez comme ça.

Calmement, il le laisse se reposer près de lui, tenant son poids par son épaule contre laquelle le cadet s'appuie. Samaël n'entrera pas davantage dans les détails, mais il est certain que l'autre possède plus de vertus que lui, quand bien même son séjour ici tend à faire pencher de plus en plus la balance. Le roi démon n'a pas fini de lui faire découvrir d'autres péchés, heureusement. Toutefois, il peut comprendre que la couleur toujours éclatante de ses ailes le laisse songeur. Cela l'embête quelque peu, qui plus est, que certains démons osent remettre en question la fidélité de leur prince. Tout comme il ne voit pas pourquoi ils devraient craindre l'arrivée des anges sur leurs territoires pour reprendre ceux qui sont partis ou les détruire une bonne fois pour toutes. Alors d'un air hautain, le châtain aux yeux dorés regarde le ciel avec une lueur de défi dans le regard comme s'il était prêt à se battre contre la toison nocturne.

« Hmpf... Aucun risque. Ils devront me passer sur le corps, avant ça. »

Il ignore depuis quand il est aussi certain de ses capacités ; mais depuis qu'il a été chassé du Paradis, Sam a l'impression d'être plus fort. Il fallait après tout déjà posséder une certain arrogance pour oser éviter les devoirs ennuyeux d'archange majeur afin d'aller lézarder à l'ombre des jardins sacrés. Sans doute qu'avoir réussi à triompher des attaques de ses frères pour le moment l'a enhardi au sujet de ses limites.

« Mais personne n'osera douter de ta loyauté. C'est la loi du plus fort, qui prime ici. Et le plus fort, ici, c'est moi ! »

Il n'aurait pas l'air très malin, en revanche, si un jour un démon arrivait à le surpasser en puissance pour prendre sa place. Il n'a pas usurpé non plus son titre en se l'accaparant du jour au lendemain : avoir contredit les principes célestes devant tout le monde a sûrement dû aider. Mais il n'a pas bâti un royaume pour que son bras droit s'y sente mal à l'aise. Cela l'ennuierait de savoir qu'on prend un malin plaisir à dénigrer son second en raison d'une bête histoire de couleur de plumes. Samaël ne se fait néanmoins aucun souci quant à ce sujet.

« Si tu veux que tes ailes deviennent noires, tôt ou tard, elles finiront par l'être. »

Avec une expression sereine, il fait lentement passer son bras autour de l'épaule du plus jeune, caressant son dos avec légèreté.

Malgré lui, un ricanement amusé s'étire hors de sa gorge lorsqu'il observe son interlocuteur se gonfler d'arrogance comme un paon pour clamer qu'il pourrait bien se débrouiller seul contre tous. Natsume n'est jamais trop sûr de savoir si il est réellement sérieux quand il parle de ça, mais l'assurance puérile de son camarade a le don de l'amuser, ne serait-ce qu'au vu de la forme qu'il y met. Pour dire vrai, il s'en fiche un peu, se contentant de le fixer avec désabus lorsqu'il estime en avoir un peu ras-le-bol, mais pour le moment, cela lui fait du bien, de rigoler bêtement.
La suite, toutefois, ne le rend pas si souriant. Si il comprend bien vite que son ami veut simplement le rassurer quant au fait que personne ne devrait trop le déranger avec ça, il se tend inconsciemment. Quand bien même il a l'impression qu'aucune autre solution n'est possible, quelque chose le dérange plus qu'un peu dans le principe de la « loi du plus fort ». Il se demande, en se disant qu'au passage qu'il exagérait sûrement, si c'est forcément ce qu'il y a de mieux. Après ces dernières années, toutefois, il n'avait pas envie de s'attarder trop longtemps à la réflexion. Alors, assez lâchement, il ne dit rien, se contentant d'essayer de se détendre davantage pour que sa crispation ne se sente pas.

Il peut sentir, toutefois, que le plus âgé fait de son mieux pour tenter d'apaiser ses craintes, alors même qu'il se sent stupide de se prendre la tête pour un rien. La main dans son dos ne le surprend pas, s'étant progressivement habitué à ces contacts auxquels il a pris goût au fil du temps ; un contraste évident avec il y a quelques années, lorsqu'il sursautait dès lors qu'on venait prendre sa main ou que le moindre contact le faisait se tendre avec méfiance. Un mélange entre un sourire tendre et une expression amusée vint se dessiner sur son visage.

« … Tu es gentil, quand tu veux. »

Sa propre plaisanterie le fit légèrement glousser. Son aile gauche vint se soulever légèrement, juste assez pour venir s'accoler à l'une de celles de son camarade dans une expression d'amicalité tendre. Il se sent déjà plus calme. La crainte persiste dans un coin de sa tête, mais il est certain que le bruit qu'elle produit s'est au moins partiellement atténué.

« Je n'ai jamais regretté d'être parti, de toute façon. Excuse-moi, je me montre bien égocentrique. »

Probablement que son ami a raison, du coup, sur le fait qu'il est inutile de s'inquiéter. Se redressant très légèrement contre la balustrade, son regard se perdit du côté du ciel parfaitement factice au dessus de leurs têtes. En jetant un coup d’œil à son interlocuteur, toutefois, son regard s'arrêta temporairement sur les cornes de ce dernier. Avec une certaine curiosité, il leva une main vers l'une d'entre elles pour la poker sans grande force, curieux.

« … Ça ne t'a pas fait mal ? »

Quand bien même c'était pratique pour faire sécher des fleurs, il devait l'avouer.

Au moins, ça a le mérite de le surprendre. Ses joues prennent une couleur rouge que le manque de lueur ne rend pas flagrant. Il ne pensait pas que l'autre lui parlerait de sa gentillesse exceptionnelle. Il ne la trouve pas si rare que ça, mais il ne peut pas nier être particulièrement tendre avec le cadet. En même temps, Samaël n'avait pas montré grand signe de bienveillance à l'égard d'autrui ces derniers temps, avec les désaccords qu'il a eu en rapport avec ses frères et la guerre qui a suivi. Hormis le jardinier qu'il a préservé, il avait été plus préoccupé récemment par l'architecture de sa demeure. Il souhaitait simplement se reposer un peu, après tout ce qui s'était passé. Il frissonne légèrement en sentant l'aile de son ami toucher la sienne. Plus grande, sa propre aile vient se dégager pour couvrir celle de l'autre et l'entourer, comme pour le protéger. Il voudrait lui dire qu'il ne le trouve pas si autocentré, et que c'est en vérité bien peu de choses comparé à lui. Il ne l'a jamais trouvé égocentrique, bien au contraire. Toujours prêt à faire des efforts et à donner. Natsume ne s'était autorisé un moment d'orgueil que lorsque des voix se sont élevées pour clamer une rébellion. Il est pourtant flatté de savoir que l'autre ne regrette rien, car il sait qu'il a perdu des choses, dans cette bataille, et qu'il en est même ressorti avec des cicatrices.
Mais plutôt que de le rassurer, il sursaute en sentant les doigts de l'archange toucher ses cornes. Sur le coup, il s'immobilise complètement. La sensation est un peu étrange. Mais... Loin d'être désagréable. Les cornes sont toutes récentes, mais Sam a eu l'occasion d'apprendre à quel point elles pouvaient être sensibles au toucher... de certaines personnes. Le châtain aux cheveux lisses déglutit, sentant une chaleur lui remonter jusqu'au visage et aux oreilles. La question de son ami le prend de court.

« Hum... Je... »

Celui qui se fait appeler Satan porte bien son nom, ça, il n'y a aucun doute là-dessus. Toutefois, il demeure sensible et faible face à l'attention qu'il reçoit. Il sent la préoccupation du plus jeune dans la forme de son interrogation. Même si c'est juste pour avoir une réponse à sa curiosité, la tournure de sa phrase lui indique que le hérissé s'inquiétait potentiellement que l'aîné puisse avoir eu mal lors de l'apparition de ses cornes. Cela lui fait plaisir que Natsume s'intéresse à lui de cette façon. Pourtant, le diable a bien du mal à se souvenir de l'exacte réaction qu'il a eu en découvrant que son auréole avait été remplacée par deux cornes qui avaient poussées sur sa tête.

« Il... Il ne me semble pas... »

Leur apparition et la couleur changeante de ses ailes ont surtout provoqué chez lui de la panique en réalisant qu'il ne rêvait pas et qu'il s'était réellement transformé en démon ; ces êtres dont on lui avait dit tant de mal et qu'il tendait à fuir quitte à être peu responsable dans son rôle d'archange majeur.

« On finit par s'habituer, j'imagine. »

Dans un geste lent, le plus grand ne peut pas s'empêcher de se pencher pour que l'autre les touche davantage. Après tout, il est avare. Avare, actuellement, de son contact. Ses yeux dérivent vers les étoiles qu'il a installé au-dessus de leur tête. Il ne les trouve pas aussi belles que celles dans le monde des vivants, mais elles possèdent assurément plus de charme que le reste.

« Tu te sens à l'aise ?.. Je veux dire... Dans ton cercle. »

Ils ne se quittaient pas beaucoup, au début. Ils ne pouvaient plus que compter l'un sur l'autre, à présent. Le pressentant si jamais ils gagnaient leur liberté, Elliott lui avait redemandé à plusieurs reprises s'il n'allait pas regretter de les quitter et de ne plus pouvoir se reposer sur eux. Mais avec Natsume à ses côtés, il savait que la question ne se posait pas.

« Tu peux venir ici quand tu veux, tu sais... »

Ses pupilles se détournent un peu. Il ne veut pas avoir l'impression de forcer. Sa main qui se trouvait auparavant sur son épaule s'y enlève pour se placer autour du poignet qui s'était rapproché du sommet de sa tête. Doucement, il vient caresser les doigts qui se sont avancés vers ses cornes.

Si sa question vient en grande partie de sa curiosité et de son interrogation, qu'il peut largement laisser parler depuis qu'elle n'est plus restreinte par les lois célestes, il est aussi un peu inquiet. Il ignore ce qu'a pu ressentir et vivre son ami en chutant définitivement. La guerre leur a coûté, et il sent toujours un élan d'empathie le parcourir, ainsi qu'une pointe de culpabilité, comme si il aurait pu faire davantage pour éviter à son camarade une séparation si brutale d'avec ses frères. Son toucher est doux, presque comme une caresse, comme si il souhaitait le rassurer sur le fait qu'il ne vise aucun mal. Il n'est pas surpris lorsque l'aile de l'autre vient se dégager pour se replier contre la sienne, le contact lui tirant plutôt une agréable sensation de douceur et de chaleur, venant se propager jusqu'à sa poitrine sans qu'il ne s'interroge beaucoup sur la facilité et le naturel de ce type d'échanges. Lui qui avait toujours été extrêmement peu tactile a découvert avec surprise qu'il ne l'était peut-être pas autant que ce qu'il croyait quand il se sentait à l'aise, bien au contraire : il n'était absolument pas rare qu'il fasse le premier pas et se rapproche sans trop se poser de questions. C'est donc avec aisance et tranquillité que les plumes de son aile couverte s'écartent très légèrement, amorçant un geste de caresse contre celles de son vis-à-vis. Il ne se prend pas plus que ça la tête là-dessus, n'y voyant pas de souci : il se contente simplement de suivre ce qu'il a envie de faire.

Il finit par remarquer, toutefois, que le plus âgé semble embêté par quelque chose. Curieux de la teinte rouge que prend son visage, il croit l'avoir mis mal à l'aise en l'entendant déglutir. Natsume pense que son ami est bien plus timide qu'il ne veut le faire croire, ou du moins qu'il perd ses moyens lorsque l'on s'inquiète pour lui ; il ne lui vient pas forcément à l'esprit que le problème vient peut-être surtout de lui.
Il se permet toutefois d'esquisser le début d'un sourire et d'un soupir de soulagement en entendant que le plus âgé n'a pas souffert physiquement des changements sur sa forme physique. Son expression s'assombrit partiellement sur la suite, toutefois.
Est-ce qu'il est dépité... ?
L'ancien gardien du jardin d'Eden ne peut pas s'empêcher de se préoccuper de la santé mentale de son ami. Après tout ce qui s'est passé, et les événements de la guerre, il ne peut pas se dire que l'autre s'en est tiré sans d'épaisses cicatrices, certes moins visibles que celle dans son dos, mais plus importantes encore. La forme qu'a pris le cercle du plus âgé lui semble assez parlant comme ça ; on ne s'entoure pas d'un jardin de ronces et d'un château sinistre sans une raison évidente. Il n'ose que peu l'interroger à ce sujet, craintif de susciter plus de peine qu'il n'en faut, et n'ayant jamais vraiment appris à gérer de genre de choses avant. Lui qui ne savait que ce qui incombait à sa tâche se retrouve désarçonné, compensant son inquiétude par une attention affectueuse et tendre. Alors c'est sans mot qu'il continue ses caresses sur la tête et les cornes de Samaël lorsque ce dernier se penche davantage, espérant lui faire oublier les mauvais souvenirs qu'il a peut-être fait remonter par sa question.

L'interrogation qu'il pose le prend néanmoins par surprise. Durant un instant, sa main s'arrête, le haut de ses épaules se crispant instinctivement. Il est vrai que le fait qu'il passe la majeure partie de ses nuits avec son ami rend peut-être plus évident encore son manque d'attachement à son cercle, voir son malaise. Il ne l'a, pour ainsi dire, que peu modelé. Oh, il a fait son travail et l'a formé, mais... Rien ne le retient là-bas. Contrairement à autre chose, qui le fait détourner le regard, gêné.

« Je ne suis pas encore... Habitué à être tout seul. »

Ironique, puisqu'il passait pourtant tout son temps en solitaire lorsqu'il était encore au paradis. Il s'est pourtant tant habitué à la présence de son ami qu'il lui est devenu difficile de supporter son absence bien longtemps. Si il est embêté au départ, pensant qu'il devenait peut-être dérangeant pour le plus âgé qui avait bien le droit à un peu de tranquillité et de solitude, la suite de ses propos lui fait relever le regard avec surprise. Ses joues, instantanément, se réchauffent. Un mince sourire passe sur son visage lorsque la main de l'autre vient caresser ses doigts, fermant temporairement les yeux pour profiter du toucher chaud contre son épiderme. Sa tête, tout naturellement, vient se lover dans le cou de son ami.

« … Tant que je ne te dérange pas. Je ne veux pas devenir un boulet pour toi. »

C'était sa crainte principale lors de leur rébellion, à la base. Si il avait apprécié la confiance que Samaël lui portait, se sentant respecté et traité en égal, lui qui avait toujours eu le droit aux coups d’œils méprisants et au dorlotage insupportable, il ne pouvait pas empêcher cette peur de remonter bien souvent, même quand il la taisait. Le souvenir de son échec face à Faust lui laissait encore un sale goût en bouche, honteux d'avoir eu besoin qu'on le protège. Depuis, il tend à être bien plus exigeant avec lui-même, ne voulant pas voir une telle situation se reproduire.

« Mais je.. Je crois que je ne sais pas quoi faire du mien. Je ne peux pas en faire un jardin, ça me rappellerait trop... »

Il se tait. La plaie est encore vive, après tout.

Dans le jardin d'Eden, Samaël voyait le gardien de ce dernier relativement solitaire en temps normal. Il savait que Elliott, Faust et Clive venaient le voir de temps à autre pour lui tenir compagnie, mais comme il semblait éviter tous les autres, il n'aurait pas cru que l'archange mineur puisse se sentir un jour seul. Est-ce le cadre très différent qui le déstabilise ?.. A-t-il ce que les humains peuvent appeler le 'mal du pays' ? Il faut dire que c'est bien moins accueillant que le Paradis, c'est sûr, mais quand on s'appelle l'Enfer... Sam espérait que ça ne rebute pas Natsume, mais l'aspect visuel ne semble pas le déranger plus que ça, par rapport à ce qu'il avait avant.
Lorsqu'il se blottit contre lui, le roi démon vient tout naturellement entourer le cadet de ses bras avec douceur en souriant tendrement. Il a passé tant de temps à observer le botaniste ailé qu'il n'aurait jamais cru pouvoir s'en approcher comme ça un jour. Il ne l'aurait pas pensé tactile non plus ; c'est donc une agréable surprise. Avec lenteur, il vient caresser ses cheveux. Peiné d'entendre que l'autre pourrait se considérer comme une charge, Samaël ne répond pas sur le coup. Il comprend surtout que le plus jeune ne se gênera du coup probablement pas pour passer le voir plus souvent, maintenant qu'il lui en a donné la permission claire. Mais l'Enfer c'est aussi chez Natsume, désormais ; l'ancien archange majeur veut qu'il s'y sente à sa place.

« Cela viendra. Tu finiras par le transformer en quelque chose que tu aimes. »

Son exemple n'est pas forcément représentatif (du moins il ne le pense pas) mais il est sûr que Natsume trouveras un moyen d'être plus confortable dans son propre domaine, même s'il est toujours très flatté de recevoir son ami chez lui.

« Il y a forcément des choses que tu aimes, non ? »

Tranquillisé par les caresses que les ailes de l'autre procurent aux siennes, il en fait également avec ses mains contre le dos du hérissé. Son aura doit assurément être teintée d'une certaine chaleur. La proximité du cadet le met dans un état d'apaisement qu'il n'a que rarement eu l'occasion d'atteindre. Il parvenait à l'avoir autrefois quand il avait besoin de chercher du réconfort auprès de Faust, qui a toujours su le calmer durant des crises.

Il doit l'avouer, il est bien plus à l'aise que lorsqu'il se retrouve seul dans un coin de son cercle à accumuler les tâches d'organisation car si une bonne partie des travaux d'aménagement ont été faits, l'enfer reste un beau foutoir en urgent besoin d'un système de gestion efficace. Il se déculpabilise de se relaxer ainsi en se disant qu'il n'est pas le seul à apprécier, un sourire satisfait et une sensation chaleureuse venant bourgeonner dans sa poitrine au moment où il aperçut l'expression tendre de son ami. Fermant les yeux lorsque ses cheveux sont caressés, il ronronnerait presque si il le pouvait, l’entièreté de son corps se détendant soudainement, comme si les fils qui tenaient ses muscles venaient d'être relâchés de leur pression. Dans son dos, ses ailes frémissent légèrement, battant discrètement sous le coup du contentement. Il n'a jamais vraiment vu de raison de s'interroger sur la facilité avec laquelle il échangeait de pareils contacts avec l'autre, quand bien même ce n'était jamais arrivé auparavant, en dehors de Clive, de temps en temps. Ça lui est devenu aussi naturel que de respirer, alors il est bien content d'en profiter.

Son sourire disparaît toutefois temporairement. Une neutralité plus morne prend place sur son visage.
Mais je n'ai pas la moindre idée de ce qui pourrait me mettre à l'aise.
Il ne le dit pas, toutefois, ne voulant pas avoir l'air de se morfondre. Il est bien plus tenté par le fait de se tranquilliser en écoutant la voix de son interlocuteur qui a, pour une raison qu'il ignore, le don de le calmer et de le rassurer sans même qu'il n'ait besoin de dire grand chose de bien éloquent. Bienheureux comme un chat contre son coussin, il est quelque peu pris par surprise lorsque Samaël vient lui poser une question, ne s'étant pas foncièrement attendu à ça. Sur le moment, il n'a pas de réponse à lui donner, toutefois, relevant un regard curieux vers son vis-à-vis, clignant des yeux alors qu'il réfléchit comme il le peut à une réponse convenable. Si les mains dans son dos sont accueillies par des frémissements plus certains de ses ailes, elles l'apaisent juste assez pour qu'il se laisse aller à parler sans trop y penser.

« Hmm... Toi, la végétation, les animaux, le calme, et, euh... ? Ce truc-là, qui se passe quand on fait geler un mélange de lactose, d'oeuf et de vanille... »

Il parle le plus naturellement du monde, comme si il venait pas tout juste de citer son interlocuteur en premier lieu, l'air pensif. Il a un peu de mal à voir le rapport entre ça et ce dont ils parlaient auparavant, notamment.

« … Mais je ne suis pas sûr que ça soit d'une grande aide. »

Dans le fond, ça ne le dérange pas plus que ça. Tant qu'il peut lézarder auprès de son ami, il ne se tracasse pas tant que ça sur cette histoire. Et d'ailleurs, en parlant de ça, il retourne brièvement son regard vers la demeure du plus âgé, un détail continuant de le tracasser malgré tout.

« Mais toi, tu... ? Tu te sens à l'aise ici ? Tu ne te sens pas seul ? »

Contrairement à lui, Natsume savait Samaël bien plus sociable et appréciateur du temps passé avec les autres. Voilà pourquoi l'ancien jardinier supporte plutôt bien l'exclusion du paradis, mais il se demande, avec un peu d'inquiétude, comment il pourrait en être de même pour le démon, d'autant plus que ses liens les plus proches ont été majoritairement coupés. De temps à autre, il se demande si il ne se sent pas seul, ici, venant parfois aussi un peu pour ça, même si son envie était majoritaire dans sa décision.

Il lui faut un temps pour comprendre les propos de son interlocuteur. Ou plutôt le fait qu'il l'a intégré consciemment parmi la liste des choses qu'il aime. Sur le coup, il n'arrive pas à réagir autrement qu'en laissant ses joues le brûler et ses ailes frémir, surpris et flatté de savoir que cela semble très naturel pour l'autre de le nommer. Il ne va pas se plaindre, mais il ne s'attendait clairement pas à ça. Il sent pourtant la température de son corps se mettre à grimper, comme s'il prenait réellement feu. C'est toutefois doux et plaisant à ressentir, autant que peut l'être l'odeur de son ami qu'il n'hésite pas à humer plus ou moins discrètement pour s'imprégner de son parfum devenu familier. Il se met à espérer. Espérer de pouvoir l'approcher davantage un peu plus à chaque fois. Des barrières qu'il n'ose pas encore franchir mais qui l'appellent, le tentent. Il en a envie. Et l'Envie fait partie de lui. Natsume l'attendrit. L'attendrit et l'attire.

« Ne t'en fais pas pour moi. »

A nouveau, il lui offre un sourire bienveillant tandis que ses yeux se détournent vers le château qu'il a bâti à la suite de sa chute. Il n'est pas si beau. Des arrangements et améliorations sont clairement encore à faire. Samaël ne pensait pas un jour voler si vite de ses propres ailes, même si la liberté lui a toujours fait de l'œil. Il avait peur d'être seul, au début. De se retrouver livré à lui-même, certes sans plus aucune chaînes pour le retenir mais avec cette terrible solitude. Néanmoins, il n'en a pas peur. Pas à l'heure actuelle.

 Tu es là, après tout. »

Son regard doré brillant se pose sur l'archange. Dans ses yeux, une lueur affectueuse et désireuse à la fois trahit son innocence extérieure. Une de ses mains vient se dégager pour caresser la joue de son ami.

« Sans toi, je pense que je n'aurais pas trouvé le courage d'affronter autant d'épreuves. »

Ses plumes ont perdu de leur pureté. Son auréole a laissé place à des cornes peu esthétiques. Mais il a gagné un allié précieux qu'il convoitait secrètement depuis des années.

Il était prêt à râler, sur le coup, fronçant les sourcils sous le coup du mécontentement. Sa main aurait pu partir sur sa tête pour venir la taper si il n'avait pas été légèrement adouci par le sourire qui lui est offert. Bougon mais peu capable d'être longtemps grincheux, il se force à décrisper ses muscles, gardant tout de même un œil attentif et observateur sur le plus âgé, comme si il cherchait à saisir la moindre bribe d'émotion dissimulée. Il a parfois la sensation que l'autre n'est pas du genre parfaitement sincère, même si il ne dirait pas que c'est à cause d'une forme de tromperie quelconque. Il préfère encore attendre. Maintenant, néanmoins, il sent surtout une honnêteté qui le désarçonne quelque peu.
Ses joues s'enflamment. Son visage s'est empourpré, et sa gorge s'est asséchée pendant un moment, occupé à fixer son interlocuteur avec de grands yeux surpris. Être apprécié et sa présence désirée est quelque chose auquel il s'habitue encore, mais qui réchauffe son corps avec tant de force qu'il en est un peu secoué, détournant brièvement le regard sous le coup de la timidité, intimidé et plus que flatté par le regard de son ami et toute l'affection qu'il y voit. Il a des fois du mal à comprendre pourquoi ce genre d'attention le remue autant, venant nouer ses tripes d'un feu aussi agréable que frémissant. Pourquoi il aime tant que leurs yeux se croisent, alors qu'il lui semblait toujours avoir trouvé ce type d'échange insupportable lorsqu'il s'agissait des autres. Pourquoi la main sur sa joue lui semble brûlante et douce en même temps, et pourquoi, tout naturellement, la sienne vient la rejoindre pour venir caresser le dos de sa paume avec douceur, comme si il avait peur de se montrer brusque. Il sait, toutefois, qu'il aime entendre sa voix qui lui affirme qu'il est bel et bien capable de l'aider. Sa poitrine s'est enflammée, et il doit ravaler sa salive sur le moment, ne sachant pas exactement ce qu'il peut répondre à ça.

Alors, il ne le fait pas. À la place, ses bras se portent tout à coup vers le cou de son ami pour venir l'enserrer contre lui avec bien plus de force que ce qu'on ne pourrait croire, ses ailes frétillant dans son dos avec vitesse tant l'émotion qui le parcoure est intense sur le moment et le désarçonne. Ses yeux, malgré lui, se sont un peu humidifiés, mais il ne dit rien, se contentant d'enserrer sa prise comme pour parler sans vraiment avoir à le faire, parce qu'il aurait bien du mal sur le moment. Pendant plusieurs secondes, il ne dit rien, se contentant d’humer son odeur pour calmer son rythme cardiaque rapide.

« Sans toi, je serais resté un lâche idiot dans une cage. »

Il parle d'une voix bien plus calme et tranquille, un sourire doux se dessinant sur ses lèvres. Oh, peut-être que l'autre n'aimera pas entendre ce qu'il dit, mais... Natsume a l'impression d'avoir évolué, et que son camarade a été d'une grande aide dans cette progression pourtant pénible par moments.

« Mais... C'est vrai que le futur ne me fait plus peur non plus. »

Pendant un temps, au début de la rébellion, il refoulait sa nervosité comme il le pouvait à ce propos. Impossible de savoir ce qui allait suivre, et il fallait avancer dans l'ombre : une perspective qui n'était pas sans le terrifier, lui qui avait toujours eu besoin de bornes et de cadres clairs pour être rassuré. Maintenant, toutefois, la crainte a reflué, en grande partie car il se sent plus courageux en la présence du plus âgé. La chaleur dans sa poitrine s'est faite douce et rassurante, chaude comme une caresse au creux de ses côtes tandis qu'il relève les yeux, des lueurs d'affectivité et de tendresse logées dans son regard marron.

« Alors... Merci, je crois. »

Il sourit naturellement, lumineux comme il ne peut l'être que depuis quelques mois, ayant enfin goûté à une liberté qui donne enfin sens à son monde et ne l'oblige plus à taire ses émotions longtemps réprimées et dissimulées.

Il a beau aimer dormir, il ne va pas dire qu'il n'en a pas fait des cauchemars, sa séparation brutale avec ses frères, surtout depuis que Natsume a rejoint son propre cercle. Les rocs pointus et menaçants qui entourent sa demeure sonnent comme des échos à ses souvenirs les plus douloureux qui refont surface au réveil. Faisant comme si ça ne l'atteignait pas tant que ça, il ne peut mentir à son interlocuteur très longtemps, et ce dernier doit bien voir à quel point la guerre l'a plus marqué qu'il ne voudrait l'admettre ou le laisser croire. Il aurait bien aimé ne pas voir cette expression apeurée et blessée sur le visage de ceux qu'il a tant estimé et chéri par le passé. La déchirure, profonde, n'aurait pas supporté de perdre en plus son plus proche allié dans cette aventure qui a failli y rester. Alors dans un élan de rage et de désespoir, il a misé le tout pour le tout afin de le protéger contre tous les maux s'abattant sur lui. Et ce fut probablement cette opposition définitive qui a achevé son plongeon dans les abysses démoniaques. Aussi impressionnantes qu'elles soient, ses ailes d'un noir de jais le surprennent tous les matins et lui donnent un sentiment étrange, presque de malaise, aussi bien que, en même temps, il se sent très apaisé lorsqu'il se rend compte un peu plus à chaque fois qu'elles restent avant tout ses amies et qu'il peut leur faire confiance. Pareil pour ses cornes : elles sont une part intégrante de lui, à présent. La présence de l'autre également.

Sa respiration se coupe au moment où il est pris dans un câlin peu attendu. Déjà proche physiquement du cadet, il n'aurait pas imaginé que ce dernier puisse avancer le pas encore davantage. Pourtant il accueille son geste et ses mots avec plaisir et chaleur, touché par ce qu'il lui avoue et par l'importance qu'il a eu dans sa vie. Il craignait, pendant un moment, d'entraîner son ami dans un périple dangereux qu'il pourrait regretter. Mais pas une seule fois le plus jeune avait confirmé ses doutes. Au lieu de ça, il lui a perpétuellement affirmer le contraire, rassurant considérablement le démon. 'Tu n'as jamais été un lâche' voudrait-il lui répondre. Ses paroles ne viennent pas. Il se contente, au lieu de ça, de lui rendre son accolade en l'entourant plus fortement de ses bras et de pousser un soupir de satisfaction et de soulagement. Le futur ne l'effraie pas non plus. Sa fratrie lui manque, mais Natsume lui permet d'aller de l'avant, d'avancer. Il se sent bien auprès de lui. Au fond, il sait qu'il a fait le bon choix ; c'était juste torturant de savoir plus rien ne serait jamais comme avant. Pour le mieux, probablement. C'était devenu impossible de rester dans cette situation ; il a bien vu dans les regards de leurs camarades devenus démons qu'ils avaient attendu, des années durant, que quelqu'un leur tende la main pour être libres. Et lui aussi, se sent libre. Les incertitudes et craintes qu'il pouvait percevoir se sont envolées. Ne restent désormais qu'un sentiment léger et serein, en dépit de ce qui leur est arrivé. Le chemin vers la reconstruction sera long, mais Samaël sait qu'il en vaudra la peine, s'il peut également rendre heureux l'ancien gardien.

C'est aussi pour ça qu'il a osé s'émanciper, après tout. Pour revoir ce sourire sur ce visage d'ange. Ou plutôt de démon. Il n'a peut-être pas les ailes noires ou les cornes, mais ils sont pareils, tous les deux. À la différence que Natsume a le plus beau sourire qu'il n'ait jamais vu. La lueur d'affection brillante dans ses yeux, cette expression lumineuse qui éclaire son visage, et cette gratitude et cette chaleur qu'il peut ressentir émaner de l'autre... Tant d'éléments qui le réconfortent, le prennent de court en premier lieu quand il les remarque, mais qui lui font se dire que tout ce qu'il a fait jusqu'ici en valait la peine. Il hoquette silencieusement devant l'éclat de son ami qui irradie, probablement sans que lui-même ne s'en rende compte. Immobile, celui qu'on craint sous le nom de Satan ne sait comment réagir. Il est bien loin actuellement de l'image et de la description que les mortels lui donnent. Un sourire lui suffit pour perdre ses moyens, comme il a suffi d'une personne pour réveiller ses vices qui font de lui le démon qu'il est aujourd'hui.
Comme hypnotisé, son regard plonge dans celui de l'archange mineur. Silencieux, l'air à la fois admiratif et lointain en même temps, ses mains se posent sur les hanches du hérissé, qu'il rapproche doucement de lui. Avec lenteur, son visage s'avance vers le sien, comme en transe. Dans le calme du faux ciel nocturne, ses lèvres touchent celles de l'autre dans une caresse. Sous la pâleur de la lune, il l'embrasse avec tendresse. Sans savoir pourquoi. Sans savoir comment. Son cœur bat la chamade après coup, comme s'il était presque inconscient de son geste. Il dira qu'il n'y peut rien. Qu'il le trouvait trop adorable, trop lumineux pour ne pas voler un peu de cette lumière. Il espère ne pas franchir une barrière interdite.

Il prend encore lentement l'habitude de s'exprimer librement, mais il lui semble que chaque parole est un véritable bol d'air pour son esprit. Cela lui fait beaucoup de bien, de pouvoir parler de ses doutes, de ses pensées et de ce qu'il ressent sans la moindre crainte de transgresser un interdit. Il est pourtant encore timide là-dessus, mais le faire avec Samaël lui est devenu tellement aisé qu'il ne s'interroge plus vraiment sur ce qui le pousse à se montrer si expressif en sa présence. Il n'en voit pas spécifiquement l'intérêt. L'émotion qui le parcoure est chaude, agréable, douce et réconfortante, semblant s'enfoncer un peu plus dans sa poitrine à chaque fois que son regard se pose sur son ami. Elle l'entoure, comme un voile de soie brûlant, décontractant le moindre de ses muscles. Dans son dos, ses ailes s'agitent encore un peu, plus doucement. Il ne sait pas trop si il peut dire qu'il est heureux, n'en ayant pas de définition exacte, mais il pense que ce qu'il ressent actuellement doit s'en rapprocher.

Le silence du plus âgé, toutefois, l'interpelle. Plissant un peu les yeux, confus, il se demande au départ si il n'a pas dit une bêtise, vu le mutisme et le regard étrange de son interlocuteur. Il était prêt à l'interroger jusqu'au moment où des mains se posèrent contre ses hanches pour le rapprocher, lui faisant hausser les sourcils avec étonnement. Le contact rapproché de leurs corps le prend par surprise. C'est différent d'une enlaçade, ou de lorsqu'ils se blottissent ensemble pour trouver le sommeil. Il a l'impression, peut-être stupide, que c'est plus intime, plus personnel, mais qu'une tension étrange s'est installée entre eux ; ou peut-être était-elle déjà là depuis un moment déjà. Instinctivement, il déglutit, une fébrilité étrange venant se nouer dans sa poitrine alors que son regard ne quitte pas celui de Samaël. Son rythme cardiaque s'accélère. Il aimerait dire quelque chose à son ami, mais les mots ne viennent pas, comme bloqués dans sa gorge ; il ne sait même pas vraiment ce qu'il aurait dit. Sa nervosité grandit, mais il n'a pas envie de reculer, la chaleur dans sa poitrine se faisant plus intense. Lorsque le visage de l'autre se rapproche, il n'esquisse pas le moindre mouvement de recul.
L'étincelle dans le creux de ses côtes s'enflamme. Ses ailes se sont immobilisées, et le reste de son corps lui semble fonctionner au ralenti. Il peine à croire ce qu'il est en train de ressentir, mais les lèvres qui se sont posées sur les siennes pour venir les caresser ne sont pas une illusion de son esprit. Pendant une seconde, il ne bouge pas. Il lui semble vivre un court-circuit, quand bien même tout son corps est pris d'une brûlure aussi intense qu'agréable. La sensation est nouvelle et totalement étrangère, mais son corps semble s'y faire avec une désarçonnante facilité, la chaire de poule remontant jusqu'à ses bras. Ce qui les entoure semble avoir entièrement disparu de ses considérations et de sa perception, comme si la seule chose qu'il pouvait encore sentir était la personne contre lui. Son instant de pause ne dure pas éternellement : lorsqu'il parvient enfin à en sortir, l'autre s'écarte doucement, sans un mot.

Le silence ne le gêne pas, mais il semble si empli de tension et palpable qu'il pourrait le sentir à mains nues. Il ne sait pas exactement quoi dire non plus. Il ignore ce qui serait acceptable ou non, ce qu'il est censé faire ou ne pas faire. Après plusieurs seconds, toutefois, il réalise que ça a bien peu d'importance, et que la seule chose de sûre dans son esprit est qu'il ne veut certainement pas s'éloigner. Il ne veut pas non plus faire comme si de rien ne s'était passé. Il veut rester là encore un peu, juste un peu. Il sait simplement qu'il se sent bien et que tout chez lui lui susurre de s'approcher de nouveau, de défaire cette distance, même très brève, entre l'autre et lui. Il ignore depuis quand exactement est-ce que ce besoin est présent chez lui, mais il lui semble si irrésistible et agréable qu'il ne voit pas de raison de s'y opposer.
Alors, avec timidité et douceur, sa main vient se poser contre la nuque de l'ancien archange pour abaisser légèrement sa tête pendant qu'il se relève sur ses pieds. À son tour de venir chercher les lèvres de son vis-à-vis, certes avec maladresse, mais dans une caresse tendre et certaine, comme une réponse silencieuse. Il ne sait pas vraiment ce qu'il fait : il agit simplement comme il le veut au fond de lui, et la nouveauté de la chose le rend fébrile, mais fait bourgeonner dans sa poitrine une chaleur si intense et si douce que ses doutes, bien vite, s'envolent, éparpillés dans un nuage de chaleur. Cela fait un moment déjà qu'il a mis ses regrets de côté, mais, dans une pensée aussi éphémère que sincère, il ne peut s'empêcher de se dire que tous ces efforts en valaient vraiment le coût.

Lentement, il s'éloigne, les joues rouges. Sa poitrine tambourine comme l'orage qui décore parfois son ciel. Peut-être même est-il plus fort encore. Il n'ose pas bouger, de peur de faire une bêtise en amorçant un mouvement qui pourrait briser ce silence religieux installé entre eux. Plus timidement qu'il ne le veut, il baisse les yeux vers ceux de son ami pour observer sa réaction. Il fut déjà surpris en ne constatant pas de rejet. Mais les iris du cadet ne semblent pas décerner une expression qu'il puisse déchiffrer. Fébrile, il s'attendrait presque à ce que le plus jeune décide finalement de s'en aller après ça, mais c'est le contraire qui se produit. Doucement, c'est à son tour de l'attirer vers lui pour l'embrasser avec tendresse. Stupéfait, le démon ne peut pas répondre autrement qu'en poursuivant cet échange. Ses mains viennent rapprocher les hanches de l'archange un peu plus de sorte à ce que leurs corps soient collés, caressant celui de l'autre dont il n'abuse jamais autant de la proximité. Ses lèvres parcourent quant à elles la bouche de son allié, les goûtant avec une délicatesse rare qu'il ne réserve qu'au hérissé. Il se sent enveloppé d'une énergie nouvelle et apaisante. Ses ailes dans son dos s'agitent légèrement, peu habitué à ce contact qu'il a amorcé le premier mais dont il ne s'attendait pas à un geste réciproque. Il s'est senti attiré à lui comme un aimant. Ce doit être ça, l'affection interdite au Paradis.
Vient malheureusement toutefois un moment où il faut se détacher. Mais il a bien du mal. Il resterait contre lui encore un peu, lui offrant encore un baiser langoureux dont il ne va bientôt plus pouvoir se passer. Son visage s'écarte, sans vraiment que ça soit risible. Il est bien, collé à son ami. Cela le détend. Pendant un court instant, son château est devenu peut-être un peu moins menaçant, faisant pousser sur les murs les fleurs que Natsume aimait tant. Il lui caresse la joue, un sourire doux.

« C'est ce genre de liberté que je recherchais depuis si longtemps. »

Aucun risque qu'ils soient surveillés ; pourtant, il se penche à son oreille, comme s'il avait peur qu'on les entende.

« Tu es l'une des raisons qui m'a poussé à partir. »

L'approcher lorsqu'il s'occupait du jardin ne lui était pas défendu, mais l'affection qu'il ressent à son égard dépassait de loin tout ce qui était autorisé. Mais plus il voyait l'archange mineur, plus les chaînes l'étouffaient. Alors il les a cassé pour de bon. Les cornes et les ailes deviennent tout à coup bien insignifiantes, lorsqu'il constate tout ce qu'il a gagné en échange.