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 UA mean gays

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MessageSujet: UA mean gays   UA mean gays Icon_minitimeMer 26 Déc - 3:44


« Tadaima. »

Il ne sait pas trop pourquoi il prend toujours la peine de le dire. Encore moins dans sa langue natale, qu'il ne parle de toute façon plus avec sa mère depuis qu'ils sont arrivés ici il y a de cela trois ou quatre ans. Un vieux réflexe, sans aucun doute ; Natsume aime bien les habitudes. L'odeur de javel des couloirs de son immeuble lorsqu'il serre les dents et monte les escaliers, grognant dans sa barbe que ce foutu ascenseur devrait vraiment être réparé ne serait-ce que pour son asthme. Le cliquetis grinçant de la serrure alors qu'il doit la secouer pour pouvoir ouvrir la porte (une fois en haut, deux fois à droite), le grésillement aigu de la télévision qui, même en veille, lui est toujours audible, car sa mère ne la débranche jamais avant de partir. Puis, comme un robot laissant ses rouages faire leur office et mettre en scène une vieille machinerie, il fait quelques pas (huit, il compte à chaque fois, car lorsqu'il en fait neuf, il s'approche  bien trop du mur séparant le salon de sa chambre, et il n'aime pas ça) pour tourner à droite, entrant dans la cuisine en ne jetant qu'un vague regard circulaire à l'intérieur de cette dernière. Comme d'habitude, quelques miettes de monaka inachevé (il ne le voit pas maintenant, mais il le sait, elle le range toujours en haut à droite, derrière ses pots de confiture) traînent au bout de la table à manger. Il saisit l'éponge qui lui permet de nettoyer proprement au moment même où son sac bien trop lourd se pose avec un bruit sourd sur l'une des nombreuses chaises vides qui l'entourent. Un grognement soulagé lui échappe à cet instant-là. Même en ayant réussi à obtenir le droit de laisser ses livres dans les salles de classe après avoir montré quelques certificats médicaux, le moment du transfert jusqu'ici n'est jamais drôle. La seule motivation qu'il en tire est de savoir qu'au moins, il pourra faire ses révisions dans de bonnes conditions. Dès lors qu'il aura rapidement avalé un goûter quelconque pour monter ses niveaux de glycémie, et terminé un thé, il les ouvrira, les lira d'un œil distrait alors que son attention est portée sur mille autres choses, puis fera attention à les ranger correctement, avant de partir dormir. La même chose, tous les jours, chaque semaine, et probablement pour les quelques années à venir. Ça ne lui plaît pas, mais il ne le hait pas non plus. Ou du moins, de toute façon, pas comme si il était capable de se sentir bien ; alors à quoi bon s'embêter à changer ce qui marche, non ?

Un son aigu et plaintif arrive à ses tympans encore cachés par d'épais caches-oreilles. Depuis qu'il les a, il a tendance à oublier de les enlever, et par conséquent, il n'entend pas toujours ce qu'on lui dit. Oh, il entend juste assez bien pour que le son de gloussements moqueurs ne parviennent à ses oreilles car « wah Shimomura il a trop l'air d'un con avec ses gros trucs sur la tronche il se prend pour qui là déjà qu'il est lunetteux faut qu'il arrête », mais les sons sont juste assez supprimés pour qu'il n'ait pas envie de se retrouver à se mettre dans un coin du CDI, crispé et le ventre en vrac, à la fin de la journée. Il n'a jamais vraiment tenté d'expliquer, puisque de toute façon, cela ne ferait que rajouter une insulte ou deux à la longue liste de celles qui lui étaient déjà refourguées.
Presque sûr que ce tocard d'Enodril trouverait un moyen d'en faire une blague hilarante. Même pas la peine.
L'image mentale fit se durcir ses traits, car pour il ne savait quel raison, il accordait encore de l'importance à la manière dont cet empaffé de débile de chose avec des cheveux un peu trop soyeux pour appartenir à un tel crétin et dont le rire était si bizarrement agréable à ses oreilles que c'en était frustrant pouvait réagir (et il ne se demanda pas non plus pourquoi il pensait à ça maintenant et c'était sûrement pas gay). Il avait bien plus de raisons d'être inquiet de la réaction d'Helmut, après tout. Il n'avait pas vraiment envie que son ami le regarde bizarrement à son tour, encore en plus en considérant qu'il avait choisi de taire ce petit détail de rien du tout depuis six mois au moins. Non, vraiment, il aurait été embêté. De toute sa routine ennuyeuse, les quelques vagues discussions qu'il a avec ce dernier sont peut-être les seuls moments, hormis les séances d'exercice de maths où il peut enfin faire ce qu'il veut comme il le veut en s'amusant, où il est content de s'être levé. L'idée que ce ne soit plus le cas lui nouait le ventre, bien plus encore que la sensation désagréable d'être en permanence en train de mentir qui le suivait depuis quelques années déjà, sans qu'il n'arrive à mettre les mots dessus avant qu'on ne le fasse pour lui. Déjà que la liste de contacts de son téléphone était presque aussi vide que sa vie sociale, si en plus il cessait de jouer à l'ingénu total à ce propos... Mais là encore, il s'était résolu depuis un temps au fait que « bah c'est comme ça, et c'est tout. ». C'était d'ailleurs tellement « comme ça » qu'il ressentait le besoin de se le répéter chaque jour, comme aujourd'hui, dans des circonstances complètement étrangères, et il manqua d'oublier qu'il venait d'être appelé avant qu'un second bruit ne vienne le déranger dans ses pensées pas franchement constructives.

Il baissa rapidement le regard, remarquant enfin la bestiole à ses pieds. Peu surpris par ce qu'il découvrit, il cligna à peine les yeux, mais prit la peine de s'agenouiller pour venir porter des mains douces et un regard plus tendre sur l'animal qui le collait. Satisfait d'être enfin remarqué, le chat se tourna, s'avança, encore une ou deux fois, tout cela pour laisser son crâne poilu s’aplatir dans la main attentive de l'adolescent. Il n'en oublia pas pour autant de continuer à se plaindre sans pauses. Distraitement, Natsume releva ses lunettes, l'expression lassée.

«... Elle ne t'a pas nourri ? »

Hayato miaula une nouvelle fois. Le jeune maine coon se frotta à ses jambes en arquant son corps au possible, cherchant comme il le pouvait à obtenir l'attention de son maître qui ne semblait pas vraiment surpris par ses simagrées. Un soupir dépité lui échappa alors qu'il grattait distraitement l'oreille du matou, supposant qu'il allait probablement devoir en discuter à un moment donné, et sachant qu'il ne détestait rien de plus que ça, l'idée ne le tentait pas des masses.

« Je vais m'occuper de toi, c'est bon. »

De toute façon, personne d'autre ne le ferait, et il avait de sérieux doutes quant à la capacité de Miyu à se remémorer de quoi que ce soit qui ne soit pas droit devant elle (et encore, il était bien à côté des fois, pourtant). En se relevant, avec certes une grimace sur le visage à cause de l'hématome qui lui faisait encore mal au niveau du genou, il se força à aller chercher un sac de craquettes pour le vider négligemment dans la gamelle du jeune chat. Agacé, il fit quelques pas mouvements de l'articulation, se demandant pourquoi diable il n'avait pas réagi à ce moment-là. Il aurait pu renvoyer le ballon, cracher quelque chose d'un tant soit peu humiliant pour que cet abruti de Filibert soit au moins remarqué comme étant un sale con de service qui l'avait volontairement visé avec la ball de basket. La pensée mourut vite, toutefois ; si il avait cafté, cela aurait été encore pire après, de toute façon. Déjà qu'il avait dû changer son vélo de place pour éviter d'y trouver des griffonages...

Ding.
Ou un truc du genre. Quelque chose qui lui fit relever le sac de croquettes, sans penser au fait qu'il fallait le faire complètement si il voulait éviter que de la nourriture ne tombe directement sur la tête de son chat qui s'esquiva en poussant des crissements indignés. L'adolescent sursauta, pris par surprise, bien davantage que la répétition du bruit de la sonnette, et esquissa un sourire malaisé, véritablement embêté.

« D-désolé. »

Natsume ne savait pas si ce dernier le comprenait, au fond, mais c'était une forme de politesse comme une autre, qu'il accordait tant à son chat qu'à son lapin et aux divers lézards de son terrarium. Depuis qu'ils étaient arrivés ici, et qu'ils avaient quitté le Japon, ainsi que les Shimomuras, Miyu n'avait jamais été opposée à la moindre de ses acquisitions animales. Au contraire, même, puisque c'était elle qui lui avait amené Hayato (quand bien même il n'était pas naturellement un grand fan des félidés, préférant les chiens). Si il avait été ravi à l'époque, une partie plus cynique de lui ne pouvait s'empêchait de lui susurrer qu'elle tentait probablement davantage de s'assurer qu'il se sente moins seul en son absence et en celle de Nagisa ; c'était sûrement une forme très lâche de tentative de déculpabilisation, mais là encore, il ne voyait guère l'intérêt de s'y attarder. Et quoi donc, après, hein ? Pleurnicher ? Encore une fois, évidemment, parce que ce n'était déjà pas assez drôle quand il faisait en pleine nuit, tout seul, après une énième crise de panique incontrôlée, et ensuite ? Rien de bien constructif. Du temps perdu, tout ça. Au moins, il pouvait caresser Hayato sans trop y réfléchir, et c'était probablement déjà bien. On lui avait souvent dit de se satisfaire de ce qu'il avait. Et de faire plus attention aux « choses importantes », comme...

… Ah, oui, la sonnette.
Une énième répétition lui fit se dire qu'il devait peut-être bouger. Curieux, il plissa les sourcils, se demandant qui diable pouvait bien venir.
… Nagisa ?
Il se reprit vite. Non, probablement pas. Elle avait été bien assez claire comme ça lorsqu'elle avait claquée la porte de chez eux il y a maintenant deux ans. D'autant plus que les seules fois où elle daignait passer pour lui rendre visite, c'était après lui avoir dit de prendre ses affaires et de descendre monter dans une voiture d'un de ses potes plus ou moins louches pour aller « se détendre un coup ensemble ». Natsume suppose qu'elle avait sans doute mieux à faire que de se traîner avec un petit frère bizarre qui lui foutait la honte à chaque fois qu'il se montrait « incapable de ne pas se comporter comme un gremlin ». Elle ne prendrait certainement pas le risque de croiser Miyu ici, quoique encore faudrait-il que cette dernière y soit, d'ailleurs. Mais peut-être que justement.... En déverrouillant la porte puis en l'ouvrant, il crut avoir bien deviné.

« M'man ? »
- Ah, d'habitude, c'est 'papa'. »

Ne comprenant absolument pas ce qu'il voulait dire, mais ne voulant rien à voir à faire avec les affaires de famille de son interlocuteur (parce que c'était sûrement ça la blague), et étant quelque peu agacé de ne pas saisir ce qui se passait, il plissa les yeux, une expression rabougrie sur le visage. Non, vraiment, voir Mikael Evans planté devant sa porte d'entrée, avec son habituel sourire de débile heureux et son vieux manteau beige de kéké (sûrement qu'il avait garé sa moto sur le parking sans demander en plus ce malpoli), ce n'était pas vraiment une partie habituelle de sa petite routine. Sans surprise, cela ne lui plut donc pas des masses, et il adressa une mine circonspecte à son aîné.

« Comment as-tu... ?
- Eu ton adresse ? J'ai mes sources. Tu m'fais pas rentrer ? »

Sa question sincère et dénuée de vergogne lui fit rester en plan pendant plusieurs secondes. Il était presque sûr qu'après « ne dis pas aux gens quand ils ont des crottes de nez qui pendent » et « ne demande pas pourquoi tout le temps ça peut être agaçant », « ne laisse pas rentrer chez toi n'importe qui » était l'une des consignes primordiales que l'on lui avait enseigné. Pour cette raison, et probablement par crainte d'embêter sa mère, il hésita. Une hésitation qui devait se voir sur son visage, puisque Mikael pouffa bêtement, amusé.

« … Relax, j'vais pas te découper, hein, je viens juste te rendre ta calculette. Mais si tu veux, j'la garde ! »

Dans un grognement qui voulait sans doute dire « ouais c'est bon » mais qui n'était pas assez articulé pour que ce soir clair, le Shimomura s'écarta. Lui tournant le dos, il fit quelques pas jusqu'au salon pour l'inviter à le suivre, ne désirant en aucun cas qu'il ne rentre dans sa chambre (enfin, dans sa « tanière », comme disait Nagisa). Par réflexe, il jeta un coup d’œil en avant, tentant de voir si sa mère avait bien débarrassé ses affaires, avant de reprendre la parole d'un ton désintéressé au possible.

« Ferme derrière toi.
- T'inquiètes, t'inquiètes.  »

Le petit bruit lui affirma qu'il s'était bien exécuté. Ne sachant pas vraiment ce qui était attendu de lui, il manqua de tomber dans les clichés lorsqu'ils arrivèrent dans le salon, jetant des coups d’œil incertains à son interlocuteur. Son hésitation devrait être inscrite sur son visage, puisque Mikael pouffa légèrement.

« C'est bon, pas la peine de me faire le blabla. J'reste pas longtemps, tfaçon.
- J'espère bien, oui.
- Wah, tu me brises le cœur, Shadow ze EDGE-hog.
- J'parle pas anglais.
- Ah, ça, oui, il paraît. »

Le sarcasme amusé de son aîné lui fit claquer de la langue, laissant un regard mauvais traduire le désagrément qui agitait sa poitrine à la suite de cette remarque. Parce que oui, c'était drôle de rire du petit asiatique renfrogné qui avait du mal à parler l'anglais sans que son accent naturel ne revienne pour s'exprimer très fortement dès lors que l'on lui demandait de lire ou de faire une phrase à l'oral. Parce que bon, c'était rigolo quand même, que lui, le gamin qui avait sauté une classe dès lors qu'il était arrivé dans ce pays (car après tout, c'était « à la hauteur de ses capacités et il ne fallait pas lui faire perdre de temps », c'est-à-dire par là aux autres), et qui semblait passer les classes de science avec une facilité déconcertante (car il n'avait jamais à réviser, c'était bien connu, et il n'avait aucune difficulté d'apprentissage qu'il avait dû apprendre à gérer seul car on estimait qu'il se montrait présomptueux dès lors qu'il en parlait), s'écrase aussi lamentablement dès que venait le temps de faire une étude de corpus dans une langue qui n'était pas celle avec laquelle il avait grandi, ou peine à prononcer les mots les plus simples en anglais. Alors oui, c'était la bonne blague bien drôle, de ricaner à ce sujet ; une blague qui ne l'amuse pas vraiment, ce qui transparaît plutôt bien dans le coup d’œil plein d'animosité qu'il offre à Mikael. Remarquant seulement l'étrange tension peu amicale qui émanait du cadet, et que peut-être qu'il avait un tout petit peu abusé, il esquissa une moue mi-embêtée.

« Oh, ça va, j'plaisante, hein, tu te débrouilles mieux que d'autres on va dire. »

Il fit l'erreur de saisir la bouteille d'eau que lui tendit Natsume.

- Ta copine disait pareil hier soir. »

Heureusement que la moquette du salon avait été changée récemment, pour le coup, remplacée par un linoleum qui n'absorberait pas tout ce que Mikael venait de cracher d'une manière peu ragoûtante au sol. Dégoûté par le son qu'il venait de produire, mais satisfait malgré tout par son effet de surprise, son rictus était un étrange mélange entre narquoiserie et révulsion. En toussant, Mikael tapota sa poitrine pour tenter de se défaire de l'eau qui était rentrée dans ses poumons, le visage rouge et crispé par ses efforts. Quand il eut enfin récupéré la capacité de respirer convenablement, il releva la tête et adressa une expression agacée au cadet.

« Ah non, hein ! Merde, me fais pas ça quand je bois, ça fait mal et tu le sais !
- Langage.
- Oh, joue pas au coincé du cul maintenant, hein ! J'ai assez de Clive et de Daichi comme ça. »

La mention de ses cousins lui tira au moins le début d'un sourire. Des jumeaux Donovan, le noiraud était le seul avec qui il avait développé l'esquisse d'une relation amicale ; probablement car il correspondait déjà avec lui avant d'arriver ici, bien que c'était au départ un rapport purement « intellectuel » (comprenez : de gros dweebs) entre eux-deux au départ. Daichi, c'était encore autre chose. Enfin, il ne pourrait pas dire qu'il ne respectait pas énormément son aîné, pour son éloquence naturelle et l'impression d'aisance qu'il avait avec tout ce que Natsume ne maîtrisait pas (une illusion qu'il se construisait en oubliant que ce dernier restait un nerd complètement à l'ouest, tout comme lui), c'était déjà ça. D'autant plus que lorsqu'il était arrivé ici, l'aide du Shimomura le plus âgé lui avait été plus ou moins vitale pour essayer de s'intégrer (même si à ses yeux, c'était un raté complet par sa propre faute), et il lui devait toujours beaucoup. Il était d'ailleurs probablement le seul à avoir entendu parler de son diagnostic, puisque c'était lui qui était venu le chercher à sa sortie de chez le psychiatre ; Miyu avait oublié l'heure de son rendez-vous, et était à ce moment il ne savait où, ayant probablement autre chose à faire. M'enfin, malgré tout, il avait toujours un peu honte de laisser l'étudiant en littérature le materner de cette méthode, en grande partie car il n'était pas foncièrement contre le fait d'être dorloté au fond, ce qui lui faisait parfois refuser ses propositions de le ramener chez lui au lieu de se traîner en vélo par simple pudeur hypocrite.
C'était par eux, justement, qu'il avait fait connaissance avec Mikael. Sans franchement le porter dans son cœur (enfin, il disait ça, mais comme avec tous ceux qui étaient à peu près décents avec lui car il n'avait aucun standard, Natsume aurait été embêté si il lui arrivait quelque chose), Natsume devait avouer que contrairement à la réputation de potentiel membre de la pègre impliqué dans des activités sataniques (il n'en était foutrement rien, hormis peut-être les deux trois pas-vraiment-des-cigarettes qu'il sortait de temps à autre, mais Mikael avait applaudi son courage lorsqu'il lui avait demandé platement si les rumeurs étaient vraies) qu'il se traînait, l'aîné pouvait être assez supportable, quand il le voulait. Probablement pas très mature pour quelqu'un qui avait dépassé la vingtaine, mais qui était-il pour parler, tiens, lui qui il y a encore vingt-quatre heures, à peine majeur, avait trouvé très intelligent d'accumuler les verres de liqueur de fruit pour essayer de se dire qu'au fond, sa vie ne craignait pas tant que ça.

Mais pour l'instant, en voyant Mikael se décomposer dans son salon, vaincu par un pauvre « that's what she said » et une petite bouteille d'eau, il se dit qu'il n'avait peut-être pas besoin de prozac pour donner un sens à sa vie.

« Je suis sincèrement désolé. »

Parce qu'il était un bon garçon bien élevé (en principe), il avait tout de même fait l'effort de le dire. Même si c'était d'une voix plate et aussi morte que ses espoirs.

« Non, tu ne l'es pas.
- Non, effectivement. »

En secouant la tête, il passa un mouchoir au plus vieux, avant de se mettre à le dévisager sans la moindre trace de politesse, se rendant compte d'un détail qui le dérangeait un petit peu.

« Pourquoi est-ce que tu avais besoin de venir, si c'était juste pour la cal-
- C'est pas juste pour la calculatrice. »

Mikael eut la décence d'esquisser un sourire embêté, probablement pour s'excuser même implicitement de ce qui allait suivre. Natsume plissa les yeux, l'air positivement mécontent, le sommant de s'expliquer par un silence quelque peu tendu.

« C'est au sujet de la soirée de hier soir, du coup.
- Évidemment. »

Dans un grognement agacé et passablement frustré, le cadet alla s'asseoir sans plus attendre sur l'un des fauteuils libres, s'asseyant de telle sorte à ce que ses genoux soient bien rapprochés de son torse. Oh, c'était juste sa position favorite, rien de bien inhabituel. Lorsqu'Hayato choisit d’ailleurs de le rejoindre, il ne fut nullement perturbé, et, habitué, il alla se caler dans l'espace entre les talons et le bassin de son maître. Face à cette tentative assez ratée de l'ignorer, Mikael haussa les sourcils et saisit une chaise pour s'y poser, posant les mains sur le dossier (on est gay comme un pinçon ou on ne l'est pas) pour s'installer convenablement.

« Bah, fallait pas jouer au con, écoute. »

Mikael hausse les épaules, faussant une apparence désintéressée alors que son regard prenait bien la peine d'aller étudier l'expression du plus jeune. Expression qui s'était d'ailleurs assez bien crispée devant son évocation à peine dissimulée. Toutefois, Mikael mentirait si il disait qu'il s'attendait à le voir froncer les sourcils de cette manière, voir à grommeler quasiment immédiatement, s'étant mis d'un seul coup sur la défensive. Et sa voix pleine de venin, également, qui lui fit cligner les yeux.

« Oh, oui, c'est moi, le sale con. On le saura, c'est bon, que j'ai  regardé de traviole monsieur Parfait, là, avec sa tronche de playmobile, parce qu'il a pas pu s'empêcher d'être chiant. Je dois écrire une lettre d'excuses quand il vient m'emmerder, maintenant ? »

… On aura pas le temps de déballer tout ça, mais, euh...
Mikael resta à l'observer bêtement après plusieurs secondes, l'air déconcerté par l'agressivité du cadet, qui n'était pas franchement habituelle à son tempérament plus « mou ». Bon, d'accord, il restait un petit con arrogant, prétentieux et edgy qui se montrait tout autant cassant que caractériel. Mais clairement, « agressif » ne faisait pas partie de cette définition ; il n'y a avait qu'à voir la manière qu'il avait d'essuyer les boules de papier qu'il se prenait sur la tête par de simples regards mauvais. Enfin, quoique, du peu que lui avait dit Clive quant à cet accident-là... Toutefois, ce n'était pas le sujet.

« … Ouais, non, je parlais du fait que tu as pété le portable de Clive et qu'il a besoin de ton numéro d'assurance pour le réparer. Tu te souviens, quand t'as vomi dans les toilettes en disant à Daichi de venir te chercher et qu'il est tombé ? »

Mikael était presque sûr que toute l'espèce d'assurance que Natsume avait bien pu se construire pour donner à son attitude de roquet un air un peu plus digne (même si, spoiler, ça ne marchait vraiment pas car il ressemblait plus à un gosse en crise) avait fondu progressivement, au fur et à mesure qu'il ajoutait des mots dans sa phrase. La dignité du Shimomura avait fondu comme de la cire sur une bougie tandis que les éléments repassaient lentement dans sa mémoire et que, seconde après seconde, son visage ne continue à blanchir. Un moment, notamment, où il s'était retrouvé à se vomir dessus, et où, bon prince, Clive ne l'avait pas immédiatement jeté par la fenêtre. Il aurait malgré tout été dans son bon droit de le faire.
Oh, seigneur. Je me disais bien la chemise avec laquelle je suis rentré n'étais pas la mienne.
Un détail comme un autre, parmi tous ses souvenirs flous et embrumés par l'alcool qu'il avait, intelligemment, décidé d'ingérer alors que du haut de son mètre soixante et de ses cinquante kilos tout mouillés, il avait déjà du mal à digérer de l'amaretto dans un tiramisu. Pour une raison bien stupide, en plus. Une raison tellement stupide qu'il ne la comprenait pas non plus ; depuis quand est-ce que l'autre idiot (car oui, il refusait de l'appeler par son prénom, car à chaque fois, cela faisait pétiller sa poitrine d'une sensation bizarre et il n'arrivait pas à saisir, donc il évitait de le faire par pure lâcheté) le faisait réagir au point qu'il en arrivait à de pareilles méthodes de gestion de crises désastreuses. Mortifié, il détourna le regard et marmonna une réponse piteuse d'une voix étouffée.

« … Peut-être. »

Et puisque Daichi n'était pas venu, d'ailleurs, n'ayant pas reçu son appel, il ne se souvenait même plus de comment il avait pu rentrer chez lui, au final, même si cela comptait peu. Un silence gênant et quelque peu forcé vint s'installer dans la pièce, durant lequel il n'osa même pas gratter les oreilles d'Hayato, ou s'occuper de Vanitas, qui, au fond de la pièce, continuait à s'agiter dans sa cage de lapin trop gâté. En se raclant la gorge, Mikael tenta de faire sortir son interlocuteur du malaise intense dans lequel il était tombé, se grattant le bras dans un réflexe nerveux.

« M'enfin, euh, Clive est pas énervé ou quoi que ce soit, tu sais qu'il s'en fiche, mais il pouvait pas venir, donc c'est moi qui me suis ramené, voilà. Rien de, enfin, personnel, tu vois. »

Non, rien de personnel. Et pourtant, il avait tout de même pris cela personnellement, et déblatéré comme si, le jour d'après, après avoir passé toute son après-midi à penser à autre chose dans une des journées d'activités du club de sciences, il l'avait toujours en travers de la gorge. C'était probablement tellement visible que même Mikael, dans tout son tempérament de « je ne me mêle des affaires de personne » (mensonge, puisqu'il finissait toujours par le faire), ne pouvait pas s'empêcher d'être un peu intrigué. Perplexe, il osa reprendre la parole, prenant de ce fait le risque de se faire jeter.

« … Mais paraît que t'as été un peu dur avec lui, quand même. Genre plus que vos conneries habituelles. Clive était pas très rassuré, quand tu t'es mis à beugler. »

Mikael avait sûrement rêvé, mais il avait eu l'impression de voir le Shimomura se rétracter dans son fauteuil. Il n'imaginait rien, en soi, puisque c'était effectivement ce que venait de faire le cadet, maintenant qu'il se rappelait son comportement. Il ne se souvenait plus vraiment de ce qui avait posé le souci. Il se souvenait très bien, par contre, de s'être senti mal avant de venir, en arrivant, et en étant là. Les fêtes, ce n'était pas son truc. Même avec Helmut pour se cacher derrière lui, en outre. Cela servait, des fois, en tant que nabot, d'être pote (enfin, Natsume argumenterait qu'il ne se permettrait pas de s'appeler « pote » car c'était peut-être présumer) avec quelqu'un qui avait la stature d'un grizzli vivant. Sauf que là, même avec toute la bonne volonté du monde, et l'espoir débile de prouver (à qui, franchement?) qu'il n'était pas juste associable et incapable de « s'amuser » (une vague notion qu'il répétait car c'était normalement ce qu'on faisait dans ces soirées, sauf que non, il ne s'amusait pas de son côté), il n'avait rien ressenti d'autre qu'un épais malaise durant tout son temps là-bas. C'était probablement la foule, le bruit, les odeurs, les sons répétitifs et agressifs, l'absence d'espace véritablement personnel et les contacts répétés avec des gens qui tentaient juste de passer d'un point à un autre, ou juste la somme de tout cela. Même avec ses cache sur les oreilles,  ses nerfs s'étaient embrasés en quelques minutes.
Alors, évidemment, il avait suffi d'un rien pour qu'il ne perde patience. Natsume ne se souvenait même plus de ce qui l'avait poussé à s'énerver sur l'Enodril ; cela aurait pu être un rien, puisque dans cet état, sa méfiance et sa quasi-paranoia avaient pris le dessus. Peut-être même qu'il n'avait rien fait (« pour une fois », disait la partie cynique et edgy de sa tête), et qu'il avait mal compris quelque chose. Toujours est-il qu'il se souvenait avoir grogné suffisamment fort pour que Clive vienne le tirer loin d'ici, l'air inquiet, alors qu'une sensation douloureuse remontait dans sa poitrine. Son ego lui fait mettre dans l'incertitude le souvenir d'avoir pleurniché en beuglant, mais c'est l'une des rares images bien claires dans sa tête. Pourtant, Natsume ne comprend toujours pas sa propre réaction. Pourquoi diable est-ce qu'à chaque fois, ce triple crétin lui faisait perdre tous ses moyens ? Pourquoi diable, d'ailleurs, provoquait-il chez lui des réactions contradictoires et toujours particulièrement intenses, qu'il ne saisissait jamais vraiment ? Pourquoi est-ce que quand des paroles, qu'elles soient négatives ou positives, quand elles venaient de sa stupide bouche (qu'il n'avait jamais et ô grand jamais dévisagé à l'occasion sans s'en rendre compte), semblaient toujours plus importantes à ses yeux ? C'était déjà le cas en temps normal, même si il s'évertuait à le nier, quitte à tomber dans de véritables excès d'acidité en surcompensant durant les jours de cours ou lorsqu'ils se croisaient, mais hier, c'était encore pire, sans qu'il ne saisisse pourquoi. Et c'est encore plus pénible pour lui, en y pensant, de ne pas saisir, que ce qui s'était passé hier. Le sentiment de peine qu'il avait ressenti, sans comprendre d'où il venait, car pourquoi diable aurait-il eu mal de hausser le ton sur ce crétin, lui revint en tête par un pic froid dans sa gorge et il reprit la parole, les épaules haussées et le regard faussement indifférent.

« 'Nos' conneries ? C'est lui qui me cherche, je te rappelle.
- Ouais, enfin, Natsu, tu sais que tu exagères un peu, là, et puis t'es pas une panacée en permanence non plus. »

L'image de Nagisa se superposa d'un coup à celle de Mikael, et il se tendit davantage, sentant le nœud dans sa poitrine lui remuer le ventre alors que les mots du plus vieux lui rappelaient d'autres propos, plus durs, et peut-être tout aussi vrais.

« Oh, ça va, épargne-moi le couplet, je le connais, à force. »

Il le sait bien, qu'il exagère, qu'il est trop sensible. Qu'il en fait toujours trop. Que c'est pour ça que c'est drôle, d'ailleurs, de le faire réagir, et qu'il n'a que lui-même à blâmer quand quelqu'un se fout de lui ; c'était ce que la CPE s'était évertuée à lui faire accepter, d'ailleurs, « pour son bien ». Qu'il prend toujours tout bien trop au pied de la lettre, et qu'il faut qu'il fasse des efforts. Il le sait très bien, et il n'a pas vraiment envie de l'entendre à nouveau, sûrement pas de la bouche de quelqu'un, qu'il, au fond, admire probablement plus qu'il ne l'aimerait l'admettre.
Face à son ton acide, Mikael hausse les sourcils, grimaçant.

« Hé, je te demande pas de te justifier, mais-
- Bah on dirait et je-
- ... Je dis juste que pour que tu en sois à finir copain comme cochon avec Roque-Lartigue, c'est que c'était probablement assez agité. »

… Ah. Oui. Ça.
Il avait du mal à y croire, au début. Non, parce que départ, Roque-Lartigue, c'était un peu le type qu'il regardait de haut, puisque ce dernier, si il était populaire, était forcément un sale con. Bah oui, les harceleurs sont souvent populaires, donc dans une logique implacable (lisez : non), les gens populaires devaient forcément tous être nés des hémorroïdes de satan. Bien incapable de remarquer la jalousie qui grommelait dans son ventre à chaque fois qu'il voyait que Lionel s'entendait aisément avec les gens (de son point de vue), il s'était satisfait de son jugement simpliste et n'hésitait pas à sortir une vanne sarcastique et méchante à base de « t'as vu il est nul » envers Helmut dès lors qu'il rentrait dans son champ de vision. Malgré tout, il était venu à sa fête en se disant que ce serait strictement « pour la forme ». Alors oui, il avait eu un peu de mal à croire qu'il ait pu « sympathiser » avec lui, mais, mais...
Peut-être qu'il avait tort, tiens, à son propos. Du moins, du peu qu'il se souvenait. L'autre lui avait semblé étrangement gentil ; bien plus, en tous cas, qu'un grand nombre d'autres lycéens. Son instinct, même, lui avait dit qu'il pouvait lui faire confiance, et contre toute attente, il l'avait écouté. Alors oui, au final, il avait fini par passer une bonne partie de la soirée, soul comme un cochon, à jouer avec le Roque-Lartigue et à dire « toi t'es mon copain parce que t'es sympa et j'aime bien les gens sympa, viens on va danser sur la table en chantant », ou « en fait je veux voir tom et jerry c'est bien tom et jerry », et d'autres idioties que Natsume tend à sortir lorsqu'il a un peu d'alcool dans le sang.Toutefois, il n'était pas naïf. Il savait que ce n'était pas bien, de l'être (c'est-à-dire qu'on lui avait suffisamment répété qu'il l'était trop et que c'était mal, apparemment), alors il crut bon de montrer à Mikael qu'il ne l'était pas en prenant la parole d'un ton plutôt distant et sec, le regard qu'il rendit le plus neutre possible.

« On est pas potes. Je suis pas con non plus, je sais très bien ce qu'il en sera dès lors qu'il faudra assumer de traîner avec moi devant quelqu'un d'autre. »

Il avait une assez bonne expérience de ça, alors il ne se laisserait pas aller à lui faire confiance non plus. On ne l'y reprendrait pas, tiens, à ne pas se montrer méfiant. Si il se mettait à être trop naïf, il allait même peut-être finir par croire que qu'Enodril et son sidekick blondinet de Martin (Natsume les appelait Luigi et Mario, souvent) passaient leur temps à les emmerder, lui et Helmut, c'était peut-être dans un autre but que celui d'être chiant. Mais tout ça, c'était des balivernes, et l'on ne le prendrait pas à se comporter comme un crétin qui croirait à ces choses-là.
Mikael, pourtant, ne semble pas satisfait par ses propos. Au début, il paraissait pensif, songeur, ou du moins, son expression bizarrement neutre l'avait fait tiquer car elle ne lui ressemblait pas. Il aurait été bien incapable, toutefois, de comprendre que l'autre était en train de comprendre certaines choses à son propos. Peut-être le sentait-il en partie, du moins, car Natsume se mit à gigoter surplace, passant une main distraite sur la fourrure épaisse du maine coon sous ses genoux. Le sourire narquois du plus âgé, en soi, le rendait nerveux, et son ton moqueur encore bien davantage.

« Bah, dans tous les cas, paraîtrait même que tu lui as fait un câlin. Et que t'as un peu chouiné dans ses bras, aussi. »

Il aurait peut-être dû avoir l'air imperturbable, froid et indifférent à cette remarque, mais Mikael, ce traitre, venait de le prendre par surprise. Vexé comme un pou, il se retint de gonfler des joues (une habitude que Nagisa lui avait dit être « vraiment ridicule ») et leva les yeux au ciel. Bon, d'accord, il était peut-être moins froid et imperméable que ce qu'il s'évertuait à montrer, et peut-être qu'au fond il n'était qu'un caca mou, bien plus amical et affectueux avec les gens qu'il appréciait que ce qu'il aurait aimé admettre, mais jamais on ne le prendrait à l'avouer. Avouer ça, ou le fait que si il s'évertuait à avoir l'air d'un frigo, c'était peut-être juste pour cacher une sensibilité à fleur de peau. Certainement pas devant Mikael, en plus. Voilà pourquoi il insista pour garder cette pseudo façade neutre qui ne prenait plus, quitte à rendre son ton excessivement plat par volonté de compenser.

« Les rumeurs, c'est pas mes affaires. J'ai pas de raisons de chouiner.
- Bien sûr. »

L'aîné venait de hocher de la tête vigoureusement, l'expression mimant l'assurance avec un tel excès que Natsume, malgré sa difficulté à discerner ces choses-là, se rendit compte bien vite que l'autre devait être en train de se moquer de lui. Agacé mais curieux malgré lui, il reprit la parole d'une voix lasse.

« Quoi, t'as des doutes ? »

Il n'allait pas aimer ce qu'il allait entendre, mais c'était à prévoir. Déjà, en voyant l'autre glousser moqueusement, une moue narquoise sur les lèvres, et les mains haussées dans une tentative à peine réussie de présomption d'innocence, Natsume sut qu'il allait en prendre pour son grade.

« Ah, mais non, absolument pas. Tu es un vrai bloc de glace bien sérieux et bien crédible, j'vais pas te dire le contraire, m'sieur compensation. »

Non, définitivement, il se moquait de lui. Ne sachant comment répondre à ces propos qui étaient somme toute bien trop vrais, il leva les yeux au ciel avec excès, espérant par là que le plus âgé s'arrêterait dans sa moquerie.
Je compense que dalle. Tout va très bien, je vais très bien, et tout ira très bien.
Probablement qu'une partie de lui-même se rendait compte que cela sonnait bizarrement comme ce que l'on aurait absolument pas besoin de dire si c'était effectivement le cas, mais probablement aussi qu'il était devenu très doué pour jouer au plus con.

Un miaulement aigu le fit sursauter très légèrement, et il se rendit compte que ses genoux s'étaient trop rapproché, manquant de pincer le corps du chat sous lui. L'expression de Natsume se détendit immédiatement, et il se dépêcha de prendre le matou dans ses bras pour le ramener contre lui, et le câliner doucement, embrassant son front.

« Oh, pardon ! Excuse-moi, Hayato. »

Le félin ronronna avec une certaine retenue, gardant un œil capricieux vers son maître qui venait de gaffer pour la seconde fois de la journée au moins. Natsume ne dit rien lorsqu'il lui tapa le nez avec l'une de ses pattes, se contentant d'esquisser un sourire embêté, sous le regard foncièrement curieux de l'Evans.

« L'est mignon ton chat. L'est jeune, non ? »

L'asiatique hocha timidement de la tête, des lueurs de fierté dans le creux de ses yeux. Une moue plus douce sur le visage, il se mit à grattouiller le menton du félin, sentant une chaleur agréable lui traverser la poitrine alors que les ronronnements d'Hayato lui parvenaient en tête.

« Ouais. Je l'ai depuis que je suis arrivé ici, et il est un peu possessif. »

« Et il n'aime pas trop les gens, surtout Helmut », aurait-il bien dit si il était du genre à partager sa vie en permanence, mais non. Toutefois, ses animaux étaient bien les seules choses qui manquaient de lui faire briser cette règle ; plus d'une fois, il lui était arrivé de déblatérer lorsqu'il présentait ses lézards aux quelques rares personnes qui étaient autorisées à pénétrer dans son appartement. Daichi, au moins, partageait son amour de ces bêbêtes, mais Natsume savait qu'en règle générale, ce ne serait pas le cas, alors il tendait à le taire, en même temps craintif que cela révèle quoi que ce soit de « honteux » à son propos. Mikael, pourtant, ne changea pas de conversation.

« Vu son poids, il a l'air bien nourri.
- Je cuisine chacun de ses plats, c'est pour ça. »

Le haussement de sourcils de son interlocuteur lui fit comprendre que ce n'était probablement pas très courant, mais cela lui importait bien peu. Durant cet instant où ses mains ne caressèrent plus le chat, Hayato se mit à miauler plaintivement d'une manière bien bruyante ; Natsume ne manqua pas de corriger cette faute, l'air désolé. Il eut toutefois du mal à saisir pourquoi Mikael se mit à glousser.

« Wah, t'es vraiment domestiqué, en fait.
- Je prends soin de lui, c'est tout. »

Il n'y réfléchissait pas, et haussa les épaules d'un air désintéressé. Non, il savait bien que c'était peut-être excessif, et on lui reprochait souvent d'être bien plus attaché aux animaux qu'aux autres membres de son espèce, mais c'était faux ; il suffisait de voir toutes les petites intentions qu'il réservait à sa mère, malgré les sentiments contraire qu'il lui réservait, à Helmut, à Clive, à Maxime, Yann et April. Les animaux, toutefois, il les comprenait mieux. Ils ne parlaient pas le même langage, mais leur comportement, leur langage implicite, il pouvait l'apprendre et le comprendre, au contraire des autres, qui lui paraissaient toujours aussi imperméables. Alors oui, peut-être que cela donnait cette impression, mais il estimait qu'il n'y pouvait pas grand chose. Ou du moins, il n'avait pas envie.

« … Pourquoi t'es pas plus souvent comme ça ? »

La question, somme toute innocente de Mikael, le prit par surprise, et en même temps, le fit se tendre de tout son corps. Les épaules soudainement haussées, il garda le regard fixé sur son chat, caressant probablement moins ce dernier par simple gentillesse que par besoin mécanique de faire quelque chose pour s'occuper. Ou même pour éviter de penser au regard curieux de son interlocuteur, aussi.

« C'est pas pareil, avec les gens. J'y arrive pas, tfaçon.
- Non mais-
- J'ai essayé, et je sais mieux que toi, Mikael. Si je te dis que ça marche pas, c'est que ça ne marche pas. »

Son ton claque presque contre les murs de la pièce alors qu'il offre à son aîné un regard qui lui indique qu'il vaut mieux qu'il se taise à ce propos. Pas effrayé mais quelque peu intrigué, ce dernier ne répondit pas dans l'immédiat, se contentant de le considérer en silence. Natsume s'était attendu à ce qu'il lâche l'affaire en s'excusant ; c'était d'ailleurs ce qu'il attendait par ce comportement, en outre. Un peu déconcerté par cette réaction, il ressentit le besoin d'expliciter son point, la voix plus morne et cassante.

« Regarde, là, j'y suis allé, à la fête de Roque-Lartigue ; ça faisait trois mois que vous me tausiez, alors j'y suis allé. Bah j'ai dissocié pendant trois heures et quand j'ai perdu Helmut du regard, j'ai fait une crise, je me suis pris la tête avec l'autre débile, et j'ai fini à vomir dans les toilettes. Merci, mais non merci. »

Une frustration intense lui passait encore en travers de la poitrine, ressortant dans les tressautements de syllabes qui rythment ses propos. L'impression qu'il était incapable de quoi que ce soit de « normal » n'était pas nouvelle, après tout, mais elle était toujours difficile à accepter, sans qu'il ne se rende compte que c'était principalement parce qu'on lui avait appris qu'il devrait en avoir honte. De hier, il ne garde qu'un dépit et une forte honte, qu'il espère voir se dissiper par une gorgée de cynisme ou de pessimisme. C'est donc avec une certaine amertume qu'il se rétracte contre lui-même, le regard morne.

« La dernière fois que j'ai essayé, il a fallu me changer deux fois d'école, et une autre, j'ai eu la tête dans les toilettes. C'est bon, merci, j'ai donné. »

Il ne cherche même pas à dissimuler l'aigreur peinée dans sa voix. Il ne voit pas vraiment pourquoi il doit changer quoi que ce soit, puisque ça ne marche jamais, quand il essaie. On ne le reprendrait plus à traîner aux fêtes de Roque-Lartigue, en tous cas, et il attendrait d'en avoir fini avec les études en serrant les dents ; c'est un programme auquel il s'est plus ou moins fait. Comme ne plus attendre que sa mère soit présente, aussi, ou d'avoir envie de se lever les matins car foncièrement, rien ne l'anime particulièrement, au delà de sa curiosité insatiable et de l'attention qu'il porte à ses animaux.
Son ton las, au moins, semble avoir fait taire les questions de Mikael. Natsume ne le sait pas vraiment puisqu'il ne le regarde plus, en un sens, et ne remarque pas l'air circonspect et embêté par quelque chose du plus vieux. Il l'entrevoit en tournant de nouveau son regard vers lui, fatigué.

« … Tu comptes me passer ma calculette, sinon ? »

Mikael eu l'air surpris, et le plus jeune comprit qu'il avait sans doute oublié qu'il avait prétendu venir ici pour ça, à la base. Natsume ne se retint pas de pousser un long grognement exaspéré alors que le squatteur de service esquissait un sourire désolé-pas-vraiment-désolé. Le ton jovial qu'il prit d'un coup contrastait étrangement avec ce qui venait de se produire, mais l'asiatique n'y réfléchit pas plus que ça, plutôt crédule de nature.

« Ah, euh, bah en vrai, j'voulais aussi te demander si je pourrais squatter ton canapé ce soir, héhé. »

Le Shimomura le dévisagea quelques secondes, comme si il croyait être face à un mensonge, avant de se rendre compte que ce n'était effectivement pas le cas. Ou du moins, d'y croire très sincèrement, et de ne pas remarquer que si c'était vraiment le cas, alors Mikael lui aurait dit auparavant. Le plus grand, toutefois, était relativement satisfait que le cadet ne l'interroge pas davantage ; si il comprenait que c'était peut-être par inquiétude qu'il ne voulait pas le laisser seul ce soir, il aurait le droit à une crise, et ce n'était pas du tout son souhait. En voyant Natsume esquisser un rictus moqueur, il put donc souffler intérieurement, rassuré et satisfait.

« T'abuses. Si ma mère rentre...
-'Si', oui. »

Les parenthèses dans sa voix étaient presque tellement visibles que Natsume se serait attendu à les voir exécuter une petite danse devant lui d'un instant à l'autre. Il évita de penser à la piqûre pénible que ce rappel très réaliste provoquait dans sa poitrine, avant de hausser les épaules d'un air qui n'était qu'un mensonge éhonté quant à une supposée indifférence. Il lui était bien difficile, pourtant, de cacher le début d'esquisse d'une moue joviale, plus heureux qu'il ne l'aurait admis de ne pas passer la soirée seul, pour une fois, et de bousculer un peu sa routine. Sans doute était-ce pour ça qu'il compensa comme il le put avec la voix la plus morne et plate qu'il put invoquer.

« … D'accord, mais tu cuisines. Et si tu me réveilles durant la nuit, je t'éclate.
- Oui oui, c'est retenu. Tu voudras jouer à la switch, aussi ?
- Non. »

Au final, il joua tout de même à la switch, et se fit sans surprises promptement humilier à Smash. Mais, honnêtement, il n'aurait pas pu dire qu'il regrettait, bizarrement.
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MessageSujet: Re: UA mean gays   UA mean gays Icon_minitimeJeu 3 Jan - 2:41


« Oh, Nagisa, ma chérie, tu viens nous dire bonjour ? »

La voix encore ensommeillée de sa mère la fait à peine réagir. Elle peste une injure que Miyu fait semblant de ne pas entendre alors qu'elle enfourne mécaniquement quelques vêtements et autres objets de nécessité dans un sac plutôt vieillot. Elle ne prend même pas la peine de se retourner pour observer la plus âgée se réveiller, affalée sur le canapé du salon de l'appartement, qui peine à ouvrir les yeux alors même que la pièce est encore plongée dans une profonde obscurité, tout juste dévoilée par l'éclat pâle d'une lune à moitié découverte. Accroupie, Nagisa semble plutôt donner de l'importance au tiroir qu'elle inspecte avec négligence ; son regard ne se relève même pas.

« Non, je viens prendre des affaires, t'emballe pas. »

Peut-être que c'était un peu plus sec que ce qu'elle aurait désiré, et elle n'était pas très appréciatrice de ce fait. Ce n'était bien que pour son ego, toutefois, puisque Miyu n'en tiendrait pas compte. Comme d'habitude, de toute façon. Cela se saurait, si sa mère était assez consciente, ou assez courageuse, pour relever ces petites inflexions claires dans la voix. Une vieille habitude qu'elle avait pris lorsqu'elle était encore mariée à son géniteur, et qui avait toujours eu le don d'agacer profondément Nagisa ; éviter tout ce qui pouvait être à risque, toujours et encore, quitte à tellement simuler l'inconscience et l'ignorance que c'en devenait ridicule. Un comportement que, rarement, elle retrouve même chez son cadet, non sans que cela lui provoque tant d'énervement que leur conversation finit en dispute. Ou disons plutôt qu'elle râle un coup, toute seule, avec peut-être trop de voix, pendant que ce dernier l'ignore en regardant ailleurs, la gorge nouée, jusqu'à ce qu'elle finisse par se rendre compte qu'elle ne fait que se défouler sans vraie réussite.  
Elle hausse tout juste les épaules, ne souhaitant toujours pas observer l'expression interdite de sa mère, ou même la remarquer. Elle n'en a pas besoin, de toute façon, juge-t-elle, quant l'entente de son ton lui permet d'imaginer d'ici le sourire chaleureux qu'elle doit afficher sur son visage.

« Ah. Tu vas partir en week-end, c'est ça ? Tu veux que je te prête des sous ? »

La cadette sent une effluve chaude remonter dans sa poitrine, brûlante comme une lame au creux de son thorax. Nagisa sent le bout de ses doigts s'appuyer trop fortement sur le tissu d'un pull.

« Ça fait trois ans que je ne vis plus ici, fais au moins semblant de savoir ce qui se passe. »

Ce n'est probablement pas utile que de lui rappeler tout ça. Les souvenirs sont aussi frais pour elle qu'à ce jour-ci, lorsqu'elle avait fait ses affaires et claqué la porte au jour-même de ses seize ans, quand elle avait pu quitter le lycée sans qu'un.e assistant.e social ne vienne lui casser les noix plus que ce fut déjà le cas. Des fois, Nagisa se demande ce qu'elle espérait, quand elle s'était brièvement retournée pour observer le visage de sa mère ; probablement qu'elle aurait voulu voir autre chose que des larmes et une expression résignée. Toutefois, en dépit de cela, Miyu ne semblait toujours pas avoir compris que ce n'était pas juste une « petite crise », et insistait à chaque fois pour prendre de ses nouvelles comme si la chambre de son aînée n'était pas aussi vide que le sens actuel de son existence. De temps à autre, pourtant, elle s'essayait à quelques tentatives, comme maintenant, alors qu'elle relevait le haut de son corps en s'appuyant sur ses coudes, la mine sombre.

« Oui, mais, enfin, je te croise rarement et...
- Faudrait déjà que tu sois là. »

Miyu a la décence de se tendre face à ses propos secs, une lueur blessée dans le fond de ses yeux bruns. Nagisa ne semble pourtant pas satisfaite face au retrait de sa mère, et serre les dents, comme encolérée par sa honte qui fait se lever les poils de ses bras d'une bien mauvaise façon.

« T'es tellement présente que Natsume as dû m'appeler pour faire des courses, puisque ça faisait une semaine que tu étais absente et que le frigo ne se remplit pas tout seul. »

Elle n'aime vraiment pas avoir à s'occuper de lui. Vraiment pas. Ce n'était ni son travail, ni sa responsabilité, que de s'occuper de son cadet ; mais si elle ne le faisait pas, personne d'autre ne le ferait. Déjà au Japon, il fallait bien qu'elle le calme, lorsqu'il était pris de violentes crises de panique et de larmes, et que sa mère, occupée à contenir leur géniteur, ne pouvait pas être omniprésent. Ici, lorsque Miyu n'était pas on ne sait où, à faire on ne sait quoi, et à oublier tout ce qui pouvait être important les trois quarts du temps, Nagisa n'arrivait pas à dire que c'était forcément différent. Le gamin, aussi capable qu'il soit de se débrouiller seul (il vivait bien en solitaire les 95% du temps après tout), avait malgré tout besoin de sa mère, qui n'était pas là. Et quand elle n'était pas là, c'était à Nagisa, lorsque l'adolescent finissait par être tellement mis au pied du mur qu'il parvenait à ravaler sa fierté, d'essayer de recoller les morceaux et de rendre son cadre de vie juste un peu plus décent. Tâche qu'elle devait accomplir en plus de ses activités personnelles, comme essayer de faire quelque chose de son futur professionnel mis en danger par sa déscolarisation précoce et quelques autres problèmes pour lesquels elle n'avait très certainement pas le temps d'aller voir un quelconque psy. Autant dire que non, clairement, elle n'appréciait pas de voir sa mère jouer à la pauvre petite chose honteuse alors qu'elle accomplissait son travail à sa place.
Ce n'est pas qu'elle déteste son frère. Vraiment, elle n'est pas assez faux-cul et idiote pour se mettre à faire du chichi de tsundere sur ces choses ; la manière qu'elle avait de toujours s'assurer que sa chambre soit bien chauffée, qu'il ait de quoi manger ou de laisser des petits pots de glace dans son congélateur lorsque ses finances le lui permettaient, elle le savait, devait largement la trahir. Elle n'avait pas vraiment de honte à avoir sur ce point, de toute façon. En revanche, elle aimerait beaucoup ne pas avoir la sensation d'être sa tutrice, ou de s'en occuper bien davantage que sa mère. C'était bien pour ça qu'elle était partie, à la base : faire sa vie de son côté, enfin, dans un pays où  elle avait la sensation de débuter avec une page vierge. Sauf qu'évidemment, elle y revenait toujours, ne serait-ce que par cet idiot d'hérisson, même si il ne venait pas chercher son aide, elle ne pouvait pas vraiment le laisser par lui-même. Déjà qu'il se comportait bizarrement depuis qu'il avait eu quelques confirmations quant à ses diagnostics récents...
 
« J-je peux aller lui parler, et m'excuser, et puis je... »

La voix piteuse de Miyu lui fait froncer les sourcils. Après quelques secondes, pourtant, un rictus désabusé s'étira sur ses lèvres, et elle ne retient pas le gloussement qui s'échappa de sa gorge.

« T'as même pas remarqué qu'il était pas dans sa chambre. Bordel de merde. »

Elle aimerait bien rire, à l'instant, parce que c'est fichtrement drôle, lorsque l'on le regarde avec les yeux amers et cyniques qu'elle avait appris à garder pour ne pas passer trop de temps à se complaire dans le mélodrama. Puis, d'un autre côté, elle aime aussi voir cette air inquiet, d'un coup, sur le visage de sa génitrice. Ce n'est pas assez, pourtant, pour lui faire ressentir la moindre compassion.
Il aurait dû être là avant.

« Où est-ce que... »

Pendant un instant, elle hésite à jouer avec ses nerfs et voir si la peur ne pourrait pas finir par faire quelque chose, mais la lueur de crainte véritable qu'elle entrevoit dans le regard sa mère la convint de retourner sur ses pas. Avec regret, toutefois, elle se surprend à penser qu'elle aurait bien aimé que cette dernière s'intéresse à elle de la même façon qu'elle venait de se préoccuper du cadet Shimomura. Elle ravale toutefois cette envie, bien consciente que cela ne sert à rien que de continuer à pleurnicher à ce propos puisque rien ne changera, à ce stade. À la place, Nagisa choisit plutôt de soupirer et de reprendre la parole d'un ton détaché.

« Avec moi. Je le prends pour la semaine, vu que tu peux pas le faire. »

Pour être parfaitement honnête, il était même en train de roupiller sur la banquette de la voiture, sur le parking, puisqu'il s'était assoupi sur le chemin du retour de la supérette où elle l'avait emmené. Il avait eu l'air bizarre ; du moins plus que d'habitude, en tous cas, comme si quelque chose le préoccupait. Puisqu'elle n'arriverait pas à lui tirer les vers du nez, elle s'était dit qu'il valait mieux ne pas le laisser seul pendant quelques temps, et elle s'était donc dépêchée de venir chercher ses affaires, en espérant ne pas tomber sur Miyu. Malheureusement, ce n'était pas le cas. Pour peu, elle regretterait presque de ne pas simplement avoir demandé à un pote de lui passer des vêtements pour le nabot, mais en imaginant la crise qu'il ferait si il devait porter les habits de quelqu'un d'autre, elle se dit que non, ce n'était tout de même pas équivalent.
Toutefois, son énervement n'était pas absent pour autant. Elle la sent bien, la pression pénible dans sa poitrine, et elle remonte sous la forme d'une vague d'acidité qu'elle crache presque à la figure de son interlocutrice lorsqu'elle reprend la parole, le regard mauvais et les lèvres arquées en une expression mesquine.

« Je ne me suis jamais attendue à ce que tu t'occupes de moi, mais j'aurais cru que ton favoritisme aurait au moins l'avantage de te faire t'occuper de ton fils. » 

Ce n'est pas très honnête de sa part de faire comme si elle partait simplement de Natsume, ici, ou qu'elle ne l'utilisait pas indirectement pour régler ses comptes, de manière parfaitement superficielle. Elle avait déjà dit tout ça, de toute façon, et Miyu avait nié, évidemment, mais Nagisa ne l'avait jamais écouté, car elle ne cherchait pas vraiment de confirmations de sa part. C'était probablement pour ça qu'elle ne répondait pas, d'ailleurs, se contentant de la regarder avec ces yeux tristes et désolés, ces putains d'yeux de chiens battus ; comme si ils allaient changer quoi que ce soit, ou qu'ils avaient un jour changé quoi que ce soit. Elle savait bien, en outre, que sa fille n'accepterait pas la moindre de ses paroles. Au fond, tout ce que Nagisa disait n'était qu'une simple catharsis, même dans la violence de ses traits tirés par l'énervement et de son ton claquant.

« Mais visiblement, si il y a un parent ici, c'est l'ado autiste et dépressif. Bravo, j'aurais pas inventé meilleur scénario pour un film d'auteur à deux balles. »

Cette fois-ci, Miyu parut véritablement marquée, vu la manière qu'elle eut de ravaler sa salive, attristée. Nagisa ne sait pas trop pourquoi ; peut-être que c'est parce que la vérité fait toujours un peu mal, qu'elle n'avait jamais vraiment aimé entendre parler de dépression car elle leur avait fait ce « cadeau » malgré elle par les gènes, ou tout simplement parce que la voix de son aînée tendait à être impressionnante lorsqu'elle devenait aussi froide et articulée, différente de sa rapidité énervée habituelle. Toujours est-il que malgré tout, voilà que, toujours à moitié relevée sur le canapé, mais visiblement plus réveillée, Miyu tentait craintivement d'argumenter elle ne savait elle même pas quoi.

« … J-je... Je t'assure que je voulais bien faire, je pensais qu'en partant, pour vous, enfin... »

Une expression dégoûtée s'afficha bien vite sur le visage de la cadette qui claqua de la langue, peu appréciatrice de ce qu'elle entendait. En se relevant lentement, elle garda son regard fixé sur la silhouette de sa mère, plus timorée et hésitante que celle de son aînée aux poings serrés. Un sarcasme dégoulinant, plus intense que tout à l'heure, se déversa de sa bouche tirée en une grimace mauvaise.

« Oh, oui, tu es partie pour nous. Tu es tellement partie pour nous qu'au lieu de nous emmener chez nos grands-parents qui n'attendaient que ça, tu as carrément changé de pays car tu n'oses pas aller les voir depuis que tu es partie. »

Elle se rappelle assez bien des visages déçus de ces derniers lorsqu'elle les avait contacté par ordinateur. Elle ne se rend même pas compte qu'elle déforme les propos de sa mère, leur donnant un sens qu'elle ne cherchait pas à leur donner. Ce n'est pas la première fois que ça arrive, en outre, mais Nagisa est bien trop empêtrée dans le sentiment de rancune profonde qui la prend des pieds à la gorge pour s'en rendre compte ou même songer à y penser. Quelque chose la tire dans sa poitrine, dans son ventre, dans son gosier, dans son visage qui s'échauffe sous le coup de la frustration, et sa seule envie est de le cracher au visage de sa génitrice en espérant qu'il ne réapparaisse plus. Pourtant, ça ne marche pas. Pas du tout, et cela la rend encore plus furieuse, alors même qu'elle s'était promis de ne plus laisser tout ça la mettre dans cet état. Elle sait bien, pourtant, ce que cela lui fait. Ses épaules qui tremblent et le déchirement lancinant dans son thorax ne sont qu'un signe parmi tant d'autres. Elle est toutefois capable de reconnaître qu'il ne sert plus à rien de faire semblant, à ce stade, ou même de cacher le venin de sa voix.

« Putain de merde, le gamin est tellement en manque d'attention qu'il a pleuré quand je lui ai dit que ça m'intéressait, ce qu'il faisait. Ça fait combien de temps, que tu lui as vraiment posé une question sans te satisfaire avec un truc creux pour te sentir bien ? »

C'est bien la première fois que sa question attend une réponse. Ses yeux dorés inspectent avec attention le visage de la plus âgé, dont les yeux humides et les traits tirés ne cachent pas le fait qu'elle est au bord des larmes. Nagisa déteste cette sensation de culpabilité qui la traverse alors, et cette empathie bien trop puissante qui lui vrille les tripes, cette envie de la prendre dans ses bras et de s'excuser, de lui dire qu'elle ne la déteste pas, et que tout ira bien.
Nagisa déteste cette envie de s'occuper d'elle. Encore. [/color]
Elle la rejette avec violence au fond de sa tête, choisissant plutôt de se reporter sur autre chose, et de tenter de se reprendre. Les dents serrées, elle se force à afficher son regard le plus méprisant pour s'assurer qu'il ne soit pas compréhensible qu'elle ressent potentiellement la moindre forme de tristesse.

« Si il n'était pas majeur, ça ferait un bail que j'aurais demandé la garde, crois-moi. »

Miyu se tut. La menace n'était pas creuse, et du peu de conscience de la réalité qu'elle avait, probablement qu'elle réalisait que ce serait presque pour le mieux. Pour une fois, Nagisa trouva qu'elle avait raison de rester silencieuse ; sans plus attendre, elle ferma son sac, se disant qu'elle ferait avec ce qui manquait, et prit le chemin de la sortie avec n empressement qui reflétait probablement un peu trop la nausée qui malmenait ses tripes.
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MessageSujet: Re: UA mean gays   UA mean gays Icon_minitimeSam 9 Fév - 2:24


« Ça s'est mal passé ? »

C'est plus une affirmation qu'une question, en vérité, lorsqu'il entend si clairement les portes de sa voiture (de son tacot, plutôt), claquer aussi brutalement. Par politesse, Isaac croit toutefois qu'il vaut mieux éviter d'être trop direct ; le regard mauvais de la brune et sa mine sombre, serrée, lui donnent suffisamment de raisons de se douter de ce qu'il va entendre. La tête posée sur le volant, il la détourne tout juste pour examiner sa comparse, grimaçant quelque peu lorsqu'il la voit s'empresser d'allumer une cigarette, trifouillant maladroitement avec son briquet, une main posée sur la fenêtre de la voiture qu'elle s'efforce de baisser avant que la fumée ne se répande de trop dans le véhicule. Quelques secondes passent avant qu'elle ne reprenne la parole, toutefois, mais elle garde les yeux rivés sur le parking de l'immeuble, préférant éviter de coincer ceux de son interlocuteur.

« Pose pas de questions à la con. »

Isaac se serait attendu à entendre de l'aigreur. En son lieu, il n'y a qu'une résignation lasse, que Nagisa ne cherche même pas à cacher alors qu'elle enchaîne les exhalations rapides, les doigts de sa main libre tripotant nerveusement le rebord de la fenêtre. Amère, la Shimomura grogne un peu lorsqu'elle laisse quelques cendres tomber dans la voiture, et elle marmonne quelques excuses sobres, visiblement ailleurs. En dépit de cela, pourtant, le binational esquisse un sourire maladroit, conscient de l'état quelque peu troublé de son amie.

« … Désolé. »

Elle le fixe d'un air curieux, ne comprenant pas vraiment pourquoi il vient donner des excuses alors qu'elle sait bien ne pas être facile à supporter, actuellement, et qu'elle doit être bien pénible, avec ses histoires de pleurnicharde. Embêtée, elle finit par reporter son attention vers le parking désert, grimace au visage et main bien serrée sur la portière.

« C'est bon, c'est bon, t'as raison, de toute façon. »

Il l'a déjà entendu plusieurs fois, au cours de ces derniers mois, mais il hausse les sourcils, surpris malgré tout. Un petit sourire au coin des lèvres, il peine toutefois à le rendre pleinement jovial, et tapote des doigts sur le volant, toujours affalé comme le dernier des Ramoloss. Une once d'amertume change son sourire en grimace malaisé, et ses yeux se retrouvent à se porter vers le petit sapin moche qu'il n'a de cesse de changer en faisant comme si son tacot sentait moins le vieux, après.

« J'me sens juste inutile. Enfin, je peux juste conduire, et, bah...
- J'te demande pas de jouer les héros de service, t'emballes pas, Peterson. »

L'air désabusé de Nagisa pourrait faire croire qu'elle se moque. Et sûrement qu'elle le fait un peu, ce qui lui tire un petit point de douleur dans sa poitrine. Point de douleur qui se résorbe lorsqu'il aperçoit la lueur joueuse dans les yeux dorés de la jeune femme, et se sent traversé par un soulagement agréable qui lui réchauffe la poitrine. Ce bref échange, toutefois, eut également pour effet de le gonfler d'un courage puéril, si bien que, balbutiant, il osa reprendre la parole, les joues rosies.

« … J'aimerais bien, moi. E-enfin, t'être utile, je veux dire, car, bah, je t'aime bien e-et- »

Il cherche ses mots, enhardi par sa propre audace, jusqu'à ce que les pouffements amusés de Nagisa ne résonnent à ses oreilles, et il s'arrête. La Shimomura peine à tenir sa cigarette, un rictus rieur au coin des lèvres.

« Je sais. Fais gaffe, ta tronche va fondre de ton visage, à force de passer au rouge.
- H-hé, j'suis sérieux ! »

Isaac toussote, embarrassé, et donne une petite tape négligente sur l'épaule de la jeune femme, une moue sur son visage. Il a pourtant bien du mal à ne pas rire lorsqu'il voit la cadette s'amuser avec autant d'entrain à son dépend, qui à ce que cela retire un peu de crédibilité à ses paroles. De toute façon, il a bien conscience qu'il ne l'est pas, crédible, et il n'essaie plus de l'être depuis un moment déjà. Toutefois, quand les ricanements de Nagisa s'amenuisent, il reprend timidement la parole, le regard fuyant.

« J'ai... J'me sens un peu inutile, quand je vois tout ça. Je veux dire, entre ta mère et toi, déjà, tes ennuis de logement et, bah... »

Il jette un long coup d’œil vers l'arrière de la voiture, et la silhouette de l'adolescent endormi, recroquevillé sur lui-même. Depuis que son aînée l'a ramené ici, il ne s'est pas réveillé une seule fois, mais cela ne l'empêche pas de remarquer la pression que Nagisa se met inconsciemment sur les épaules dès qu'elle l'aperçoit. Et il n'y a pas que ce soir, d'ailleurs. L'autre comprend bien où il veut en venir, à la vue de sa grimace embarrassée. Elle affiche malgré tout un grand sourire – Isaac se doute bien qu'il est faux, toutefois – en prenant la voix la plus désinvolte qu'elle peut maîtriser.

« Bah, tu sais ce que c'est, les p'tits. Tu commences par essuyer leurs fesses, et tu continues à le faire jusqu'à ce qu'ils aient à remettre des couches parce qu'ils ont une gastro des émotions. »

Elle ricane, d'apparence très fière de sa métaphore d'une grande finesse. Le suédois a du mal, toutefois, à rire aussi librement, ne pouvant s'empêcher de ressentir un certain malaise lui grignoter l'intérieur de la poitrine. Il a l'habitude de ce genre de choses, et en règle générale, lorsqu'il sent sa gorge se nouer, ce n'est pas pour rien. Souvent, son empathie naturelle ne lui ment pas.
Le regard calme, la voix plutôt tranquille, il s'efforce de reprendre la parole avec neutralité.

« Tu n'as pas d'obligation à le faire, pourtant. »

Isaac n'a pas envie de la brusquer, et c'est probablement pour cela que son ton est aussi lent. Attentif, il examine l'expression de la cadette, et la manière dont elle grimace furtivement, avant de détourner le regard, une lueur dépitée dans les yeux. En haussant les épaules, elle parle d'un ton plat, comme si elle faisait un simple constat.

« Faut bien que quelqu'un le fasse. C'est pas sa mère qui va venir lui amener son traitement, lui dire qu'il a le droit de demander des aménagements pour se sentir mieux, ou lui expliquer que ça arrive d'avoir un béguin et qu'il va pas en crever.
- Il croit que... ?
- Oh, non, j'ai pas eu cette discussion avec lui, il me boufferait la face. C'est pour l'exemple. »

Elle fait un vague signe de la main. Clairement, il y a des choses dont elle n'a pas envie de se mêler, rien que pour la simple raison qu'elle estime déjà en faire bien assez. Elle se rappelle encore de l'expression embarrassée de son frère le jour où il avait dû l'appeler pour aller chercher ses médicaments, puisque Miyu avait encore oublié, et que c'était probablement plus crucial que les besoins d'évasion de leur génitrice. Tout un tas d'autres choses qu'elle ne s'amusait même plus à compter, bien consciente que c'est si omniprésent dans sa vie que c'en est devenu une constante. Cette constatation lui tire tout juste un rictus désabusé.

« J'ai pris l'habitude, c'est tout. Si il était pas là, de toute façon, je me serais tirée depuis un bail. »

Isaac devait avouer qu’égoïstement, il aurait bien aimé que sa présence joue quoi que ce soit là-dedans, mais il ne se permit pas de le dire. L'expression de Nagisa s'était obscurcie pendant un moment. Elle jeta négligemment sa cigarette, le visage plus dur. Hésitante, elle semble moins jouer sur les blagues vaseuses.

« Je peux pas dire qu'elle a eu tort de se barrer. Des fois, vu son état à cette période, je me demande comment elle a fait, même. »

Elle haussa les épaules. Cela fait quelques années maintenant. Pas grand chose dans les faits, mais tout de même. Le souvenir est encore vif dans sa tête, clair et brumeux tout à la fois, comme si elle n'en possédait plus qu'un bref résumé à base d'images, mais qu'en même temps, la brûlure qui se cristallisait à chacune de leur apparence ne disparaissait pas. L'amnésie traumatique a eu raison de beaucoup de choses, mais pas des mots, pas des visions, pas des faits. Un frisson désagréable lui remonte dans l'échine. Elle garde encore en mémoire les menaces explicites de son géniteur lorsque ce dernier avait fini par comprendre que Miyu n'était pas vraiment en train de préparer de simples vacances ; ce soir-là, Nagisa avait bien cru qu'ils ne se coucheraient pas.
Dans un soupir las, elle esquisse un rictus désabusé, amer, qui lui coute autant qu'il la soulage, même durant quelques secondes.

« Si ça avait continué, l'un de nous aurait fini dans une boîte, je crois. Même avec toutes les tentatives de la part de Kazuo de récupérer la garde du mioche, au moins, ici, on est en sécurité, et on a une vie à peu près... Mieux, on va dire. C'est pas la joie, mais... »

Elle hausse les épaules, une grimace toujours présente sur ses lèvres. Non, vraiment, elle ne peut pas dire que c'est « la joie ». Une partie d'elle, toutefois, ne lui permet pas d'exprimer son mécontentement plus expressément. Après tout, on lui avait dit plus d'une fois qu'elle « devrait être reconnaissante » d'avoir été « accueillie » dans un autre pays. Elle avait fini par comprendre, à force de l'entendre, de le voir, de le sentir, qu'elle n'était pas à légitime à se plaindre trop expressément sur ces sujets. Et ce n'était pas comme si on le lui avait vraiment « dit », en plus. Mais c'est comme ça, imprimé dans sa tête et dans sa gorge depuis l'enfance : elle ne « doit »pas. Parce que se plaindre, chercher de l'attention, être une victime, mentir, faire perdre du temps, c'est mal. Une leçon imprimée dans sa tête et dans son corps, alors qu'elle essaie d'avoir l'air indifférente, et sûrement pas « trop » affectée.

« J'sais pas. Ça m'emmerde quand même. »

Isaac a du mal à glousser comme elle le fait. Il ne sonne pas très vrai, en plus, et sans doute que Nagisa n'est passez aveugle pour ne pas le remarquer. Elle ne le fait pas pour lui, d'ailleurs ; il n'est pas assez égocentrique pour y croire.
Le téléphone de la cadette vibre discrètement, et elle n'y jette qu'un regard ennuyé, lassée. Elle ne cherche pas à le récupérer, se contentant de relever le regard pour fixer de nouveau un point lointain.

« Elle m'envoie des messages, de temps en temps, mais j'en sais rien, j'ai pas envie de lui répondre. C'est complètement con, et on dirait une gamine, mais je me dis que si ça lui fait de la peine que je l'ignore, bah, c'est bien fait. »

Un rictus déforme le bord de ses traits.

« C'est vraiment un comportement de connasse. J'ai envie de lui faire mal. Je sais que ça ne va rien faire, en plus, et qu'elle va juste s'excuser en pleurnichant de nouveau, mais... »

La suite ne lui vient pas alors qu'une houle d'amertume lui remonte dans la gorge. Ses traits se durcissent un peu, et ses lèvres se ferment une ligne horizontale nette. Dit comme ça, vraiment, cela lui semble si ridicule qu'elle aimerait bien se taire, soudainement. Un léger malaise le pousse à gigoter nerveusement dans son siège, incertaine.

« … Tu veux qu'elle vive ce que tu as vécu ? »

Ses traits se délient durant quelques secondes, et son regard nerveux se pose sur le visage du plus âgé. Les yeux légèrement froncés, attentif, si il semble à l'écoute, pas une trace de jugement ne vient affecter son regard ou son expression. Tout au plus semble-t-il énoncer une vérité que Nagisa n'aurait pas osé nommer, mais qui persistait pourtant dans l'air et devenait si palpable qu'il lui était impossible de l'ignorer. Durant un instant, devant l'hésitation qu'il remarque dans l'expression de son amie, il envisage de changer d'approche, ou de s'excuser d'avoir mis les pieds sur une ligne blanche qui ne demandait pas nécessairement à être franchie. Néanmoins, la Shimomura glousse un peu et hausse les épaules, l'air indifférente, probablement un peu trop, d'ailleurs, pour que ce soit honnête.

« Ça changera rien, en vrai, j'le sais. Ça changera que dalle, et je sais pas si y'a quelque chose qui le fera. Je sais qu'elle a toujours eu d'yeux que pour lui de toute façon, je crois pas que ce soit moi qui puisse la faire réagir. »

Cela ne l'empêchait pas d'essayer, pourtant. Pathétiquement, sans grande volonté, sans grande honnêteté, aussi. Appeler ses invectives des « essais » était déjà un peu trop mélioratif comme ça dans les faits. Cela ne changerait rien, et de toute façon, ce n'était pas vraiment des tentatives ; on pouvait plus parler de défouloir à frustration, à la limite. Rien de bien glorieux, ce qui lui donne en soi envie d'en rire, comme si ça la soulagerait un petit peu. Aucun soulagement, toutefois, puisque rien que maintenant, elle ne ressent que le troublion d'une amertume au fond de son ventre.

« Ça me fait chier. Au fond, j'ai toujours envie qu'elle me fasse un putain de speech à la con sur le fait qu'elle m'aime et qu'elle est fière de moi, alors que j'ai plus de vingt ans, putain. »

Elle ricane. Bah oui, c'est ridicule. Tout ça, c'est ridicule, et ça l'use, progressivement, lentement. Ça l'use à chaque fois qu'elle revient, à chaque fois qu'elle constate que les paroles tendres de Miyu font fourmiller quelque chose dans sa poitrine. C'était bien la peine de râler sur Natsume qui levait un peu trop la tête et écoutait si docilement leur mère que l'aînée finissait souvent par s'énerver, si irritée qu'elle était par la souplesse excessive dont faisait preuve son cadet avec cette dernière. Sa propre hypocrisie n'est pas nouvelle, mais la culpabilité secoue ses tripes à chaque fois qu'elle y pense ou qu'elle se demande si tout ça n'est pas quelque peu malsain.
Isaac grimace. Il attend quelques secondes, puis finit par ouvrir la bouche, le ton lent et mou, préférant prendre des pincettes par rapport à ce qu'il va dire.

« C'est normal. C'est pas... C'est pas anormal, de vouloir qu'on t'aime, Nagisa. »

La cadette détourne le regard immédiatement, les muscles tendus, la mâchoire serrée. L'éudiant en psychologie baisse un peu les épaules, ennuyé d'avoir potentiellement fait un pas de trop. Il a bien une idée du mot en particulier qui vient de susciter une réaction si vive, mais il n'est pas sûr que le faire remarquer soit une très bonne idée. Une sensation désagréable flotte dans son ventre alors qu'il garde ses yeux fixés sur l'expression narquoise, pas franchement crédible, de Nagisa. Sa voix est devenue plus acide, moins légère, mais plus irrégulière, alors que sa prise se resserre un peu sur le bord de la fenêtre.

« Ouais. Bah c'est pas putain de normal d'être encore jalouse et de pas lâcher prise, au bout d'un moment.
- Si, et tu le sais. »

Son ton n'est pas sec. Il est plus tranquille, plus fatigué, aussi, comme le coup d'oeil qu'il garde sur l'autre. L'expression fixée dans une grimace, l'informaticienne ne répond pas. Moins affalé sur le volant, il ne change pas pour autant de position, gardant le même ton neutre et calme.

« Ce n'est pas une honte, de dire qu'elle n'a pas été une bonne mère pour toi, et d'être rancunière. Ce n'est pas une honte, d'avoir des émotions. »

Il n'entend pas de réponse immédiate, et à vrai dire, il ne s'y attendait pas. Tout au plus est-il plutôt satisfait du fait que sa tête ne soit pas en train d'être écrasée sur une roue, vu ce dont il parle. Discrètement, il étudie les réactions de la Shimomura, feignant de ne pas voir ses yeux brillants ou la manière qu'elle a, comme à chaque fois, de serrer très légèrement ses doigts dans le creux de sa paume pour que la chair lui serve de distraction temporaire. Embêté, le suédois sent bien qu'il est sur une piste complexe. Il est toutefois pris de court par le petit mouvement de tête brusque qu'elle fait, et le regard méfiant, quasi incendiaire qu'elle lui jette tout à coup.

« Si c'est pour parler d'autre chose, c'est crasse et-
- Non, non, j'parle pas de ça. Je ne ferais pas ça. »

Le suédois lève innocemment les mains et hoche négativement de la tête. Non, décidément, ceci est un autre sujet qu'il n'aurait jamais eu l'audace d'aborder maintenant. Il comprend mieux, d'un coup, la raison de sa réaction si brusque et soudaine ; probablement qu'elle devait avoir eu un doute, pendant un moment. Il ne lui en veut pas vraiment pour ça, d'ailleurs. Sans doute est-il préférable qu'elle se méfie sur ce genre de choses, bien que cela n'ait pas du tout été l'intention d'Isaac que de réaliser ce genre de manipulation honteuse. Il saisit bien pourquoi ses mots ont pu être interprétés ainsi, en particulier au vu de leur situation parfois un peu compliquée et un sens, il a aussi sa part de responsabilité. Ici, toutefois, ça n'a aucun rapport. Il n'a que sa bonne foi pour le prouver, certes, mais tout de même ; cela paraît suffisant pour que l'air méfiant de la cadette s'apaise, et qu'elle se relaxe progressivement, non sans un certain temps. Plus pâle, elle ne le contredit pas. Isaac a l'impression, et peut-être qu'il imagine des choses, qu'elle l'écoute. Dehors, il n'entend plus que le bruit de criquets, accompagné par le son de la respiration discrète du cadet derrière eux.

« T'en as souffert, et t'as jamais fermé la plaie, alors forcément, bah... C'est sale. Regarde, moi, j'arrive toujours pas à pardonner à mon grand-père pour ce qu'il a fait à ma sœur. »

Il a du mal à garder son air faussement sarcastique-mais-genre-assez-distancé-pour-avoir-l'air-cool en place très longtemps. L'évocation de cet événement fit réagir l'asiatique, surprise par ce choix de paroles. Elle ne connaissait pas grand chose de cette histoire ; ou du moins, juste quelques photos, disséminées dans la maison Peterson, qu'elle avait aperçu sans oser poser de questions. Les vieux meubles de la petite Felicia cachés dans le garage, les tensions d'Isaac lorsque, après une soirée, ce il n'était pas rare que ce dernier perde ses moyens lorsque quelqu'un de rentrer en voiture après avoir passé un peu trop de temps devant des bouteilles. Interdite, elle n'ose donc pas l'interrompre, malgré tout le malaise que fait naître chez elle l'évocation de ses propres sentiments. Elle n'ose pas parler non plus : sans doute que ce serait aussi inutile que grossier. L'autre semble un peu loin, de toute façon, les yeux fixés sur un point abstrait, les traits plus neutres, plus mornes, les épaules légèrement surélevées, comme si il ne parvenait pas à tuer toute la tension dans son corps.

« Quand je le vois, à chaque fois, j'ai envie de lui claquer la porte au nez. Toute la famille lui a pardonné, enfin, dans l'idée, mais moi, non. Je peux pas, et je pourrai jamais, je crois. J'ai juste pas envie de le voir. »

Il hoche de la tête dans le vide. Non, vraiment, il n'y arrive pas. La colère, il l'avait laissé de côté, au bout d'un moment, ou disons plutôt qu'il était parvenu à un stade où elle pouvait rester dans un coin de sa tête sans qu'il n'y pense en permanence. C'est un large sujet en réalité, bien trop pour qu'il l'expose dans son entièreté maintenant, d'autant plus que ce n'est pas vraiment lui qui est au centre de la discussion maintenant. Avec délicatesse, il se contente donc de grimacer en relevant légèrement le regard, cherchant à croiser celui de la Shimomura, qui pendant ces secondes-là lui paraît moins brusque, moins dur, plus accessible. Ou peut-être qu'il imaginait tout ça, aussi, allez savoir.

« Mais c'est comme ça. Tu as le droit de lui en vouloir, et de ne pas lui pardonner. »

L'affirmation lui noie la gorge. La jeune femme, dans un réflexe complètement inconscient, joue avec la boucle de sa ceinture de sécurité, préférant éviter de garder son attention posée sur le visage du plus âgé. Ses paroles semblent coincées dans sa gorge, car elle ouvre plusieurs fois la bouche pour parler, sans grand succès. C'est finalement son propre rictus désabusé qui lui offre du courage ; c'est toujours plus facile d'ouvrir sa bouche quand on peut se donner l'impression d'avoir un peu de contrôle sur la situation, même si ce n'est que par un humour qui n'est pas vraiment de l'humour.

« J'devrais pas être si étonnée que ça, dans les faits. »

Isaac plisse les yeux. Il ne s'attendait pas vraiment à ce choix de mots en particulier.

« C'était le bon garçon un peu spécial qui avait besoin d'attention et qui la regardait comme si elle était une sainte, tu m'étonnes qu'elle a fait son choix. Je lui faisais déjà des reproches à cinq ans, à sa place. »

Elle ricane, mais ce sont des ricanements un peu hachés, amers. Le dire comme ça, elle ne l'a pas souvent fait, en réalité, en grande partie car ce n'est jamais agréable pour elle que de passer la frontière entre pensée et voix haute. C'est pénible. Particulièrement pénible, car cela fait pression sur sa poitrine d'une manière qui ne rend pas aisée le fait de tenir cette espèce de distance qu'elle manifeste entre elle et tout ça « crédible ». Sa main se serre contre son propre genou.

« … Tu sais que ce n'est pas aussi grossier. Tu me l'as déjà dit. »

La voix d'Isaac n'est pas accusatrice, loin de là. Il constate, curieux quant à cette inflexion dans les propos de la plus jeune, cette petite modification. Elle n'est probablement pas complètement honnête, d'ailleurs, mais Nagisa ne semble pas vouloir en parler davantage, vu la façon dont elle change de sujet.

« Non, mais j'en ai rien à foutre. C'est pas à moi d'être sa psy. »

Ce n'était pas faute d'échouer, pourtant. Elle garda pour elle cette pensée et essaya de relâcher sa prise sur son siège. Ses propres propos firent toutefois réagir quelque chose dans sa tête. Pour cette raison, elle ne se détendit pas davantage. Grimaçante, le ton de Nagisa se fit plus piteux alors qu'elle osait tout juste relever la tête vers le Peterson.

« … T'as pas non plus à le faire. Désolé de te mettre dans cette position, t'as clairement pas signé pour ça.
- C'est moi qui le fait volontairement, te trompe pas. Puis, c'est pas pareil. »

La rapidité de l'autre à répondre, additionnée à l'absence de la moindre inflexion dans sa voix, eut le mérite de lui couper le sifflet. Prise par surprise, autant par ses propos honnêtes et un peu trop sincères que par ce que ce qu'ils faisaient fourmiller dans sa poitrine, elle eut le réflexe quasi naturel de reprendre rapidement la parole, comme pour retrouver l'impression de ne pas avoir été désarçonnée.

« Pas ma faute si t'es maso. »

Son ton est un peu trop sec. Sa voix est un peu trop vive, aussi, tellement que cela sonnerait presque agressif aux yeux d'Isaac si il ne savait pas reconnaître les signes d'une défense piteuse. Le suédois a cligné des yeux, étonné sans l'être du comportement lunatique de la Shimomura tout à coup. En un sens, il n'a que lui-même à blamer pour cette réponse ; probablement que c'était un peu « trop » pour le moment. Il avait voulu, pendant quelques courtes secondes, expliquer calmement que ce n'était pas ça, et qu'il était honnête, mais eut l'impression que ce ne serait pas une bonne idée. Au moins, depuis sa vague blague qui n'en était pas vraiment une, les muscles de Nagisa s'étaient détendu. Elle reprenait confiance et c'était suffisant pour le convaincre de se taire.
Toutefois, un autre souci persistait ; et par là, un utile changement de sujet. Il jeta un regard vers l'arrière, accompagné d'un léger mouvement de la tête et de sourcils froncés, interrogé.

« On fait quoi, avec... ? »
- J'le laisse pas avec ce soir. Si c'est pour qu'il serve de serpillière à larmes, non merci. Tu crois que... ? »

Le regard muet qu'elle lui lance en dit assez sur sa question comme ça pour qu'il n'ait pas besoin de lui demander de l'exprimer plus directement. Doucement, le suédois hoche de la tête, le début d'un sourire amical sur son visage.

« T'inquiètes pas. J'ai prévenu Faust qu'on risquait d'avoir des invités pour la semaine. »

Et au pire, ils trouveraient bien des solutions de rechange. Ce n'était pas ça qui manquait, toutefois, quand on était ami avec le Donovan ; un des rares aspects qui compensaient le fait de manquer de mourir ou d'être expulsé de son établissement scolaire à peu près deux fois par semaine, quelque chose du genre. Ricanant bêtement, il ne remarque pas tout de suite l'esquisse du sourire qui s'était dessiné sur les lèvres de la Shimomura, qui, discrètement, avait placé son visage dans sa paume pour le dissimuler. Affalé sur le volant comme tout à l'heure, il fut d'ailleurs pris par surprise quand elle reprit la parole.

« Merci, pour, enfin... T'es pratique, des fois. »

Sa voix paraissait plus timorée, plus hésitante, d'un coup. Très légèrement, toutefois. Isaac haussa les sourcils, surpris, clignant des yeux pendant quelques secondes alors que les informations montaient jusqu'à son cerveau. Au bout de ce laps de temps, un sourire étira ses traits et il rit sans grande honte, veillant toutefois à garder sa voix suffisamment légère pour ne pas réveiller l'adolescent derrière eux.

« Wah. Romantique, Shimomura, vraiment.
- Fais pas genre, t'aimes bien ça. »

Le rictus joueur de Nagisa en fit naître un identique chez lui. Ne pas glousser bêtement devenait difficile d'un coup, et il se surprit à l'observer plusieurs secondes, une lueur attendrie dans le regard. Enhardi par ce qui semblait être un silence assez intimiste, il se permit de reprendre la parole, le ton bien plus hésitant.

« Dis, euh, après, tu voudrais pas, enfin... ?
- Termines ta phrase, ça sonne louche, là.
- M-mais non ! Juste, je voulais savoir si t'aimerais aller faire un tour avec moi-euh, nous- en Suède, enfin, euh, ce serait pour une semaine en vacances et j'invite déjà plein de potes, enfin, on a un chalet et euh... »

La suite n'était qu'un amas de borborygmes incompréhensibles qui était probablement juste des mots massacrés et charcutés sous le coup de la nervosité. La sueur commençait déjà à faire son office, d'ailleurs, puisque voilà qu'il avait du mal à tenir le volant auquel il s'était accroché au fur et à mesure qu'il faisait son petit speech, gigotant sur place comme si le regard circonspect de la brune allait avoir raison de lui. Cette dernière, pourtant, semblait plus amusée qu'autre chose. Elle finit d'ailleurs par ricaner sans grande retenue, plus détendue, un air narquois au coin des lèvres.

« Wow, le coup du chalet dans la montagne ? Déjà ? T'es vraiment un gros fils de bourge, question plans drague. Ce serait quoi, après, les vacances sur une île en Grèce en été avec du abba en fond ? »

Les joues rougies de son aîné lui en disait assez comme ça. Elle gloussa davantage, divertie par le sourire à moitié gêné de son interlocuteur. Les doigts tripotant nerveusement son propre genou, il eut le mérite de ne pas se cacher sous une banquette comme il souhaitait le faire, désignant la place derrière eux d'un nouveau petit mouvement de tête.

« Tu peux l'ramener, évidemment, enfin, c'est si ça te ferait plaisir, e-et...
- Un conseil, évite de parler de mon frangin quand t'essaies de me pécho, Peterson, c'est pas très sexy. 
- … Et évite de 'pécho' devant moi, s'il te plait. »

La voix neutre, morne et un peu acide du concerné venait de résonner entre les murs de la voiture au même moment où tous les espoirs d'Isaac venaient de voler en petits morceaux, accompagné par le son du grognement interne de Nagisa, qui n'avait certainement pas envie d'entendre la voix de son frère maintenant. Le gremlin était réveillé, visiblement, et potentiellement qu'il était réveillé depuis un moment, vu qu'il avait relevé la tête en leur jetant des regards désabusés. Sa sœur aurait bien eu envie de lui attraper la tête pour la lui écraser sur les coussins comme elle le faisait encore fut un temps, d'ailleurs, et elle tourna sa tête vers lui pour lui offrir sa plus belle expression blasée.
Isaac, de son côté, semblait trouver très intéressante l'option de se faire le plus petit possible et de s'assurer qu'on oubliait qu'il existait. D'expérience, c'était une bonne stratégie.

« Oh, hé, fais pas genre tu sais ce que ça veut dire, le morpion, et sois pas jaloux. Retourne dormir. »

Le concerné leva les yeux au ciel, si dramatiquement que Nagisa ne put s'empêcher de grogner, agacée par l'edge de son frangin qui, tout de même, était bien plus supportable quand il dormait bien sagement. Toutefois, si il avait des contestations, il eut le mérite de fermer sa bouche, probablement trop fatigué pour débattre maintenant : ses cernes et ses yeux rouges en étaient une petite preuve. Pour une fois dans sa vie, le cadet des Shimomura se tut et reprit sa position fœtale pour s'endormir. Nagisa nota dans sa coin de sa tête d'éviter de l'étrangler pour la prochaine fois, juste pour ça.
En tournant de nouveau de la tête, elle eut le réflexe, majoritairement inconscient, de reposer son attention sur le visage d'Isaac. Aussi pleutre que ce dernier s'était montré en rapetissant sa personne pour ne pas avoir à subir les conséquences de cette petite escarmouche de rien du tout, un détail était toutefois toujours le même, et il la fit pouffer mesquinement.

« … Sérieux, t'es encore en train de sourire pour ce que j'ai dit ? »

Une once de tendresse transparaissait dans sa voix alors qu'elle parlait à voix basse, ne souhaitant pas être entendue. Plutôt timoré, le plus âgé esquissa un sourire timide.

« Bah, euh, c'était sympa, quand même. »

Une petite pique chaleureuse traversa la poitrine de Nagisa, qui, surprise, prit quelques secondes à répondre. Prise de court, les yeux plus ouverts que d'ordinaire, elle finit toutefois par reprendre la parole, non sans avoir tapoté le dos de l'autre, simulant une expression plus assurée. C'était sans doute un peu trop grossier et brute pour avoir l'air très naturel, d'ailleurs, mais ce n'était pas son souci.

« Débile. Alors, tu conduis ou on reste là se les peler ? »

Ou quelque chose du genre. Non, parce qu'en vrai, ce parking était quand même un peu glauque.
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