caca teen-edge à deux

Nope. Nope, nope, nope, il n'allait très certainement pas révéler des détails particulièrement complexes et intimes de sa vie à quelqu'un qui-, non, à qui que ce soit, en fait. Réalisant la situation dans laquelle il s'est mis, et la bancalité de ses propos qui se retrouve soulignée par son interlocuteur, Natsume s'est crispé, retroussant la tête dans ses épaules en se forçant à tenir le regard de l'autre, décidé à ne pas montrer qu'il a touché juste. Sans qu'il ne s'en rende compte, l'asiatique s'est mis à paniquer tout seul, inquiet pour il ne sait quel raison, et il ouvre la bouche pour argumenter en sa défense, mais rien ne vient. De toute façon, et heureusement pour ses nerfs, l'Enodril s'était éloigné, lui donnant l'occasion de pousser un discret soupir soulagé.
Toutefois, il avait un peu de mal à voir pourquoi il insistait de nouveau sur la porte, et il haussa les sourcils d'un air circonspect. Il se serait bien permis de dire que ça ne servait à rien ou de faire une plaisanterie, mais il doutait que cela passe, alors il choisit plutôt de se taire.
Puis, bon, ça l'regarde si il veut s'énerver sur la porte pour rien, hein.

Sauf que visiblement, le sujet de la soirée allait revenir sur le tapis. Natsume aurait bien aimé l'enterrer et l'oublier définitivement, mais au moins, ce qu'il entendait lui apportait de nouvelles informations. Des informations qu'il a un peu de mal à procéder, d'ailleurs, puisqu'il affiche une mine particulièrement perplexe en remettant les informations dans son esprit. Quand il se remémorait les événements de ladite soirée, le comportement de l'autre faisait davantage sens, bien que Natsume peinait toujours à saisir pourquoi.
Vraiment, le scientifique ne comprend pas, et il ne sait pas quoi penser. D'autant plus qu'au delà du fait que c'était assez tordu sur les bords, il n'était normalement pas le genre de Samaël de se préoccuper de son bien-être. Alors oui, pour une fois, il est assez d'accord avec l'Enodril, le fixant d'un air confus et perplexe, les sourcils froncés. D'ailleurs, il ne comprit pas le sens complet de la question rhétorique de l'aîné, puisqu'il était difficile pour lui de saisir les double-sens, et, un peu frustré d'avoir l'impression que l'on jouait avec ses neurones, il eut du mal à répondre tout de suite. Toutefois, plus il repassait ce qui venait d'être dit dans sa tête en boucle, plus il se rendait compte de quelque chose, et il ouvrit des yeux légèrement surpris, incrédule.

« Attends.... C'est pour ça que t'as fait chier Yann ? »

Bon prince, l'étudiant en avait juste ri. Ce qui n'était pas très étonnant, en somme, connaissant son caractère bonne pate ; c'était d'ailleurs l'une des raisons qui l'avait poussé à se réfugier auprès de lui quand la crise de panique avait commencé à pointer le bout de son nez très laid. Juste avant que Samaël ne débarque, donc, et ne... Disons que c'était la goutte d'eau dans la tête de Natsume, pour être honnête, à ce moment-là. Mais c'est seulement maintenant qu'il saisit mieux les raisons de ses actions qui n'en restent pas moins stupides à ses yeux, mais tout de même.
Néanmoins, pour le moment, un autre détail attirait également son attention. Agacé, le Shimomura se releva en grognant, prenant bien soin de laisser Vanitas assis tranquillement sur son sac.  S'approchant du plus âgé, il tira légèrement sur son épaule pour le forcer à s'éloigner juste un peu de la porte. Si son expression est assez dure, c'est malgré tout le fait d'une très légère inquiétude dont il ne se rend lui-même pas compte et qui rend sa voix un peu plus tranquille sur la fin alors qu'il soutient le regard de l'aîné.

« Arrête de faire ça. Ça ne marchera pas, tu vas juste te blesser. De toute façon, quelqu'un finira bien par passer. »

Au bout d'un moment, il allait juste réussir à se déloger l'épaule, et ce serait franchement peu plaisant ; du moins, c'était le pronostic que pouvait faire le cadet à ce stade. En poussant un soupir, il ne pouvait toutefois pas s'empêcher de repenser à ce qui venait d'être dit, et c'est avec un regard porté sur son lapin pour se détendre qu'il reprend la parole.

« … Yann m'aidait à gérer un problème de santé. C'est pour ça qu'il me tenait comme ça. J'avais un souci à gérer. »

Oui, alors, l'on pouvait catégorie ça comme un problème de santé psychique, ça marchait très bien pour éviter de se foutre la honte en insinuant qu'on a peut-être des troubles divers et variés. L'idée de s'excuser lui passa brièvement dans la tête, et il la rejetta au début ; au fond, il ne peut pas nier qu'il reste en lui cette espèce de morsure froide qu'il n'arrive pas vraiment à identifier et qui n'a fait que s'exprimer davantage lorsqu'il s'était emporté. L'explosion de la soirée n'était pas juste dirigée vers ce petit accident, à vrai dire, mais sur ce point, il l'avait peut-être un peu démonifié quand il s'était énervé ; il opte donc pour un choix au quart du chemin.

« Je croyais que tu voulais me pourrir, c'est tout. »

Il haussa les épaules, le regard ailleurs, frileux quant au fait de s'épandre à ce sujet, et mimant l'indifférence quant à cet ersatz d'excuse qui lui coûtait déjà beaucoup mais sur lequel il y mettait une part de sa fierté, n'aimant pas être ne serait-ce qu'un centième en tort. Ou plutôt, disons qu'il culpabilisait vite quand c'était en rapport avec son contrôle faiblard sur sa propre santé mentale. Oh, ce n'en était qu'une que pour cette fois, c'est tout. Il n'avait pas vraiment non plus envie de lui dire que son hypersensibilité combinée à une crise de panique avait constitué un volcan qui lui avait éclaté au visage, car ce serait un peu trop personnel.

Foutue porte, ouvre-toi !
Il aurait dû lui mentir. Lui sortir une excuse bidon et bancale pour justifier son comportement. Cela aurait peut-être été plus logique aux yeux du cadet. 'J'voulais juste te faire chier haha' n'était cependant pas quelque chose qu'il se voyait sortir. Sur le coup il avait juste voulu être... honnête. Il faut dire que la soirée l'avait mis dans un tel état à son retour de chez lui qu'il ne se sentait pas d'enfoncer le clou maintenant. Manque de bol, on dirait que le type qui traînait chez Lionel avec Natsume est connu de ce dernier. Mais il ne l'avait vu à l'école avec sa bande de nerds alors il avait été particulièrement suspicieux, surtout qu'il avait semblé plus âgé que les autres. Après tout, les adultes un peu chelous qui squattaient les fêtes chez les lycéens, ce n'était ni rare, ni nouveau. Mais dès l'instant où le cadet s'était mis à s'emporter sur lui, il avait su qu'il avait fait une connerie. Ce n'était évidemment pas dans son intention d'aller empêcher un des amis du Shimomura de le soutenir. Ce qu'il avait homis de dire, cependant, c'était qu'il y avait aussi un peu de jalousie qui traînait. Il savait qu'il ne risquait rien avec Helmut ou Lionel, mais quand il s'agissait d'un inconnu... Il avait toujours cette tendance à se méfier (et surtout à se mêler de ce qui ne le regardait pas).

Au moins, on pouvait dire que c'était sorti, que l'autre le croit ou non. C'était pour ça aussi qu'il se défoulait à présent sur la porte dans l'espoir de faire passer son moment d'aveu gênant. Cela n'avait pas l'air pourtant de plaire à Natsume qui avait déposé son lapin pour s'approcher de lui et l'arrêter dans son action. Curieux, Sam s'immobilisa et le scruta avec un air surpris. Etait-il inquiet pour lui ?... Non... Non, le bruit devait juste le déranger, et en un sens, ça pouvait se comprendre. Il aimerait bien seulement être aussi optimiste que lui quand il affirma que quelqu'un allait forcément finir par passer. C'était très probable, mais l'Enodril ne pouvait s'empêcher d'être anxieux à ce niveau. Si quelqu'un les avait enfermé (accidentellement certainement), cela voulait-il dire que les cours allaient bientôt se terminer et qu'ils n'allaient pas penser à vérifier que deux élèves manquaient à l'appel ?
Non, c'est bête... Martin et Helmut vont sûrement se rendre compte d'un truc... Enfin j'espère.
Il n'avait pas besoin qu'il lui explique la présence dudit Yann, mais il avouait que ça le réconfortait un peu d'être mis au courant. Cela le faisait grimacer de savoir pour les soucis de santé de l'autre mais au moins, il pouvait compter sur du soutien quand ça n'allait pas, et même si ça ne venait pas de Sam... Il n'allait pas chercher des noises à ceux qui voudraient le bien du japonais.

C'était un peu embêtant, en revanche, il ne savait pas quoi lui répondre. Alors pour l'instant, il préféra garder le silence, loin d'être étonné que Natsume puisse avoir cette opinion de lui. Mais bien que ça ne le surprenait pas et que c'était en soit pas très illogique non plus, l'entendre aussi clairement était inhabituel. Jamais encore il ne lui avait fait part de son ressenti.
... Tiens, c'est vrai, ça.

« Tu ne m'en as jamais parlé... »

Il venait tout à coup d'en prendre conscience, mais quand il y pensait, le cadet ne lui avait jamais dit ce que ses agissements provoquaient chez lui.

« En fait... Tu ne m'as jamais dit comment tu te sentais. »

Il avait pris ça comme un jeu, dès le départ, pour obtenir son attention. Comme il trouvait toujours plus ou moins que c'était innofensif, il pensait que, au fond, ça ne dérangeait peut-être pas tant que ça le Shimomura. Il ne se disait même pas qu'il pouvait lui faire de mal, car jamais il n'aurait pu l'accepter.

Les habitudes, Natsume sait faire avec. Ou du moins, il se fait à l'idée, et il ravale tant bien que mal les divers sentiments négatifs que peuvent lui inspirer ledit quotidien, comme le fait, par exemple, d'être l'une des cibles privilégiées des boufonneries du plus vieux. Loin d'apprécier, cela avait au moins l'avantage de faciliter bien aisément le tri dudit aîné dans la catégorie des « sales cons sans espoir de reconversion ». Le souci étant que dès que cela sort de l'image qu'il s'est fait des choses, tout devient bien plus compliqué pour lui.
Il ne pouvait pas dire qu'il s'attendait à ça. Confus, il fronce les sourcils, esquissant une moue circonspecte avant de dévisager l'Enodril. Il est définitivement perdu, quoi qu'il puisse en dire, et à la remarque de l'autre, il n'offre qu'un silence interdit, confus quant à la décision à prendre. Des lueurs d'hésitation et d'incertitude passent dans ses yeux marrons, mais il parvient malgré tout à éructer une phrase qui ne soit pas une série de balbutiements.

« … Tu n'as jamais demandé, que je sache. »

Sa phrase ne sonne pas aussi ferme qu'il aurait aimé, vu la légère inflexion de sa voix au début. Mais en vérité, c'est quelque chose de si commun chez Natsume, que de préférer ne surtout pas adresser le sujet de ce qu'il ressent, que le fait que ce soit remarqué par l'autre le rend quelque peu nerveux. C'est une habitude défensive qu'il a pris avec le temps, une quasi façon d'être à laquelle il se raccrochait car faire autre chose aurait pu être bien trop compliqué. À quoi bon, de toute façon, puisqu'on lui avait toujours dit qu'il exagérait et qu'il n'était pas capable « d'accepter une blague » ou « d'arrêter d'en faire des caisses en permanence ».
D'autant plus que pour lui, il est bien impossible de comprendre pourquoi l'Enodril s'intéresse à ce qu'il ressent au vu de son comportement. C'est un paradoxe qui le rend curieux, et qui lui fait froncer les sourcils, reprenant un peu d'assurance pour parler.

« Attends... Tu es surpris ? »

C'est ce qu'il a l'impression de comprendre, si il se fie à l'étrangeté de son attitude depuis qu'ils sont enfermés. Dans un coin de sa tête, Natsume n'oublie pas que le fait qu'il n'aura très certainement pas le même comportement dès lors qu'ils seront en dehors, mais malgré tout, le fait que Samaël soit étonné par sa réaction lui est parfaitement illogique. Ses yeux s'ouvrent un peu, et il affiche une expression confuse.

« Mais... Mais tu t'attendais à quoi, avec ton comportement ? »

Définitivement, il est perdu. Une once de vexation résonne dans sa voix, comme le reflet lointain d'une blessure qu'il s'efforçait de cacher.

Il ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun son n'en sorti. Alors il la referma bien vite. Ce n'est pas faux qu'il n'avait jamais osé demander, au fond. Mais il aurait pu s'attendre à ce que ça soit l'autre qui fasse le premier pas pour lui dire d'arrêter. Parce que bon, Sam, fallait qu'on lui dise clairement les choses pour qu'il capte, sinon il pouvait continuer. Si le cadet était allé lui parler pour lui expliquer à quel point il se sentait mal d'être ainsi moqué, l'Enodril n'aurait pas surenchérit les jours suivant. Car clairement un 'ce que tu fais depuis toujours bah ça me blesse et c'est désagréable', ça le calme tout de suite. Il est stupide mais en vérité il n'est pas aussi malintentionné qu'il le fait croire.

« Mais je... Je ne sais pas, je pensais... Comme tu disais rien, je... Je croyais que tu t'en fichais, de moi. »

Il n'avait pas vu le problème jusqu'à maintenant. Il pensait réellement que Natsume était indifférent à son besoin obsessionnel d'attention, alors il n'avait jamais hésité à le laisser s'exprimer, espérant obtenir des regards de l'autre portés sur lui, ou même des gestes, des paroles, des signes quels qu'ils soient. Mais c'était vrai, maintenant qu'il y pensait, comment avait-il pu croire le contraire ? Il n'avait jamais été particulièrement décent avec lui, et pourtant le Shimomura ne lui avait rien fait. Son seul crime aura été simplement de l'attirer, sans qu'il ne sache trop lui-même pourquoi.

« Je continuais parce que... Parce que je pensais que ça t'indifférait. Je n'ai jamais voulu blesser qui que ce soit. »

Difficile de se dire qu'il était honnête après tout ce qu'il avait fait, mais en soit c'était vrai : ça n'avait jamais été son but de faire du mal ou de porter préjudice à quelqu'un que, surtout, il ne détestait pas. Mais il pouvait aisément comprendre maintenant que le plus jeune soit circonspect devant ses explications après tout ce qu'il lui avait fait vivre.

Pourquoi diable se serait-il mis à parler ses émotions et tout le bazar avec quelqu'un qui prenait un malin plaisir à lui jouer des tours pour jouer au roi de la montagne de caca devant ses « potes » pas plus intelligents ? Ne pouvait-il pas saisir, après tout, que ses regards mauvais et son énervement croissant étaient des signes de sa patience épuisée ? Natsume ne saisit pas, et ça le frustre ; sauf que pour une fois, ce n'est pas Samaël qui l'épuise, ou du moins pas directement. Encore une fois, il a l'impression de ne rien saisir, et d'être complètement aveugle à d'autres choses. Sûrement passe-t-il pour un idiot, à son avis, à l'heure actuel. Alors il écoute, confus mais attentif ; quand il ne saisit pas quelque chose, Natsume tend à devenir plus prompt au dialogue.
Les sourcils froncés, il ne comprenait pas forcément mieux maintenant. L'Enodril lui semble sur le coup bien bête, ou du moins, complètement inconscient ; et ça avait de quelque chose de comique à ses yeux, à ce stade. Ou du moins, dans le sens que c'était si peu drôle que c'en devenait drôle. Son hésitation transparente le fait hésiter quant à la suite de ses propos : d'un côté, il paraît sincère, mais de l'autre, Natsume a du mal à faire comme si l'amertume au fond de sa gorge était inexistante. Le visage plus neutre, il reprend la parole avec une certaine fermeté.

« Si tu ne demandes pas à ceux à qui tu fais ça, ce n'est pas juste moi, qui doit être blessé. »

C'est ce qu'il imagine, en tous cas. Car le petit cinéma qu'il réalise avec lui doit sûrement être répliqué ailleurs, et le Shimomura a du mal à imaginer que tout n'est qu'un malentendu dans la mesure où il pense que cela doit sûrement avoir lieu ailleurs. Une de ses propres mains s'est portée à son épaule, qu'il tripote nerveusement dans un geste mécanique.
Dans les faits, pourtant, quelque chose le dérange toujours. Il n'est pas sûr d'avoir le droit de poser la question, ou de savoir si jamais il va franchir une ligne blanche qui pourrait provoquer un souci avec son interlocuteur ; une méfiance qu'il a en lui depuis son enfance, résultat d'une bonne dizaine d'années d'abus de son père (qu'on les aime les cadeaux de papa hein). Pourtant, depuis quelques minutes, Samaël lui semble plus calme, et plus à l'écoute, aussi, moins dans la pseudo tension, alors Natsume ose reprendre la parole, un peu perdu.

« Mais si ce n'est pas pour blesser, pourquoi est-ce que tu... ? Tu prends le risque de faire mal aux autres juste pour te la péter ? »

Probablement un truc du genre, oui. Du moins, c'est le peu qu'il saisit.

À vrai dire, peut-être qu'il était en train de se sentir de moins en moins bien, actuellement. Il comprenait de moins en moins de choses, non seulement au sujet de son interlocuteur mais surtout à lui-même. Jamais encore il n'avait remis en question ce qu'on lui avait conseillé de faire pour attirer l'attention sur lui et puisque Natsume ne s'était jamais plaint, il avait cru que l'autre tolérait leurs petits 'jeux', si on pouvait les appeler ainsi (et bien sûr on ne pouvait pas). Pas que ça amusait en plus tant que ça l'Enodril, mais c'était également une façon d'entreprendre un lien à distance avec le Shimomura. Ce n'était pas très malin de sa part, de voler sa gomme, de mettre un peu trop de sel dans ses plats à la cantine, de piéger son casier, ou même de le bousculer un peu dans le couloir pour lui faire tomber ses livres. Rien de tout ça n'était particulièrement intelligent et il aurait dû savoir que, au fond, ça n'allait pas forcément beaucoup plaire au cadet.

« Non ! Jamais je ne ferais ça ! »

En revanche, s'il avait fait tout ça, si c'était pour de mauvaises raisons, ce n'était pas pour 'se la péter'. Et surtout... Il n'y avait personne d'autre. Ou du moins, ce n'était pas aussi obsessionnel qu'avec le cas de l'asiatique. Il était pourtant normal que ce dernier s'inquiète des autres 'victimes' du lycéen, bien qu'ils aient beaucoup moins à 'craindre', pour le coup. C'était d'ailleurs à un point tel qu'il refusait que quelqu'un d'autre que lui l'embête. Pour se faire apprécier des gens, y'avait du boulot, mais pour se rendre ridicule, il était champion. Il avait donc réagi au quart de tour quand on l'accusa de faire ça pour la frime.
De plus en plus, il se sentait pourtant tendu. Il commençait à avoir cette impression d'être étouffé, que la pièce dans laquelle ils étaient enfermés se refermait progressivement autour de lui. Toute cette incompréhension, cette discussion improbable qu'il a avec le hérissé et cette amertume qu'il pensa discerner chez le cadet et qui lui rappela la soirée du week-end dernier... Cela faisait comprimer sa poitrine et l'apeurait en même temps.
Alors il finit par craquer, comme s'il gardait ces quelques mots enfouis en lui depuis trop longtemps.

« Tu comprends pas, y'a... y'a personne d'autre !.. Je... J'veux juste que tu me remarques, bon sang ! »

En somme, il ne lui fallut pas plus de deux secondes pour réaliser ce qu'il venait de dire, et aussitôt, un hoquet d'horreur et de surprise lui échappa. Il plaça sa main devant sa bouche comme pour sceller ses propos, mais il était déjà trop tard. Alors il fit glisser sa main devant son visage dans un geste blasé envers son propre comportement.

« Ou-Oublie ce que je viens de dire, d'accord ? T'as-T'as rien entendu ! Rien du tout ! Si tu le dis à quelqu'un je... Je... »

Il ne fera rien, c'était clair et net. Il ne savait déjà pas trop ce qu'il allait faire dorénavant. Il aurait aimé que ça ne sorte pas. Pas tout de suite, du moins, c'était certain. Peut-être jamais. Son visage, désormais écarlate, le brûlait. Sa couleur pivoine devait se voir. Dans moins d'une minute, l'autre pourrait s'en moquer. De ça et de ce qu'il venait d'avouer, aussi.

« L-Laisse tomber. »

Poussant un soupir las, il laissa son front retomber contre le métal froid de la porte.
Journée de merde. Semaine de merde.

Il n'aime pas ça. Pas du tout. Quelque chose lui donne l'impression qu'il touche à des choses qui n'ont pas nécessairement vocation à être touchées, qu'il borde des lignes rouges qui pourraient se révéler dangereuses. Natsume n'aime pas écouter son instinct ; principalement parce qu'il a la sale habitude le prévenir et d'agiter son ventre de nervosité lorsque quelque chose lui donne l'impression d'être lourd de sens. Et là, actuellement, il a un peu l'impression que ses tripes sont parties dans un grand huit, à force de se secouer. L'ambiance est pesante et il ne sait pas pourquoi, ce qui ne peut que lui donner des envies d'aller plonger sa tête dans le fin fond du sol du gymnase.
Les exclamations qui l'entend le font se crisper tout net, et ses épaules esquissent un mouvement de recul. Le regard nerveux, il fronce toutefois les sourcils. Quelque chose a changé, et il est capable de le voir ne serait-ce que dans le comportement de plus en plus erratique du plus âgé. Natsume a l'impression qu'il approche d'un élément central, puisque les secondes s'écoulent, et que ce dernier semble perdre de plus en plus les pieds. Bizarrement, ce n'est pas avec plaisir qu'il observe cela. Même si Samaël s'est comporté avec lui d'une manière qu'il ne qualifierait pas poliment, il n'empêche qu'il a du mal à apprécier le fait de le voir dans un état de peine évident. Ce n'est pas faute d'avoir essayé, pourtant, mais rien à faire, une partie de lui se sent mal à l'aise, comme si il assistait à quelque chose de trop intime et de trop personnel.

Et en un sens, il n'a pas tort, pour une fois. Car voilà que Samaël crie, le faisant se tendre encore davantage, et ouvrir de grands yeux face à ce qu'il entend. Muet, il fixe l'autre avec des yeux ouverts et ébahis, une expression de confusion totale inscrite sur son visage. L'aîné, lui, semble se décomposer, comme si il avait dit quelque chose qu'il n'était pas supposé avouer. Le voilà qui balbutie, maintenant, comme effrayé par quelque chose, prononçant des menaces auxquelles il n'a pas l'air de croire lui-même. Ça y est, Natsume dépose les armes ; il a complètement abandonné l'idée d'avoir compris quoi que ce soit. Le scientifique met un temps à afficher une expression autre que de surprise sur son visage. Même ses paroles sortent dans des balbutiements d'incompréhension totale.

« Q-quoi, attends, de quoi tu... ?! »

Il avait imaginé plusieurs hypothèses quant aux raisons de l'acharnement de l'autre à son égard ; voilà qu'elles étaient toutes fausses. Oh, cela ne rendait rien de ce qui s'était passé plus acceptable, évidemment, mais il ne peut pas mentir et dire que la curiosité ne l'emplit pas. Il ne sait pas vraiment ce qu'il ressent face à ce qu'il entend pour le moment, hormis peut-être la sensation que tout ceci est complètement ridicule et grotesque. Ça n'a aucun sens. Pourquoi diable est-ce que l'autre souhaiterait qu'il le remarque ?! Sa première idée, est celle qu'il fasse cela pour prouver quelque chose, comme le fait de pouvoir faire réagir « le gamin bizarre qui parle pas beaucoup » ; cela lui est déjà arrivé plusieurs fois, après tout, de devenir le dindon de la farce de gens qui s'amusent à voir ce qu'ils peuvent faire pour qu'il réagisse, que ce soit en pleurant ou en s'énervant. Pour le moment, c'est ce qu'il imagine, et même si il ne ressent rien de positif en se le disant, son envie d'assurer sa pensée est plus importante. Alors il reprend la parole, le ton plus calme, mais pas sans un certain empressement.

« Tu veux que je... Que je te regarde ? Mais pourquoi est-ce que... ? »

Ce n'était pas comme si il était quoi que ce soit de particulier, en soi. D'accord, à la limite, il ramenait de bonnes notes en maths et en sciences physiques et naturelles de temps à autre (quoique Helmut était toujours meilleur que lui en physique, et au niveau des maths, il lui arrivait parfois d'échouer complètement quand il ne comprenait pas telle ou telle explication du professeur). Les sourcils froncés, il essaie de faire le point, non sans mal. Le fait que l'autre se soit à moitié décomposé ne l'encourage pas vraiment à arrêter, au contraire ; pour lui, rester dans un silence gêné et plein de non-dits aurait été encore pire, alors il pousse un peu, quitte à risquer de se heurter à un mur.

« Je ne comprends pas ce que tu veux. »

Il hoche négativement de la tête. Pendant une seconde, il hésite à rester silencieux, mais se rendant compte que ce serait sûrement pire car il détestait personnellement être laissé seul avec des questions non affirmées, il reprit la parole.

« Tu veux que je... Tu veux qu'on soit potes ? Ou tu veux juste un lèche-bottes de plus ?»

Pas le moindre sens. Mais bon, comme lui a dit Nagisa, bien souvent, c'est quand on perd ses moyens que l'on devient honnête ; même si à ses yeux, ça sonne tout de même très bullshit sur vingt. Quoique d'un côté, toute cette situation sonne très bullshit sur vingt à ses yeux, actuellement. Probablement qu'il va se réveiller d'un moment à l'autre avec le cul d'Hayato au dessus du visage, à ce stade.

À ce stade, il ne savait pas vraiment ce qui pourrait arriver de pire. Avouer sans le vraiment le dire qu'il avait de l'admiration pour l'autre était déjà trop de son point de vue, alors il se serait bien enterré six pieds sous terre, ou arriver enfin à défoncer la porte du gymnase pour espérer prendre la fuite pour que le cadet oublie tout ce qui venait de se passer. Mais c'était vain de croire que Natsume pourrait passer outre les paroles qu'il venait de sortir. Dans sa situation, l'Enodril en ferait d'ailleurs autant. Il fallait dire que la surprise du plus jeune ne le rassurait pas des masses non plus. Il craignait ce qu'il pourrait lui dire, pensant que le Shimomura en profiterait pour se moquer de lui. Il aurait raison, et après tout ce qu'il lui avait fait, Samaël ne pourrait même pas lui en vouloir. Il serait juste peiné, mais après tout, il se rendait compte maintenant des misères qu'il avait fait subir au hérisson.

« Je... Je... »

'Lèche-bottes', non. Le mot le révulsait quand ça le concernait ; ou plutôt, il se refusait à le dire en étant conscient de la signification. Mais jamais il ne prendrait de 'lèche-bottes' et tout son cirque avec Natsume n'avait absolument rien à voir. Normal toutefois que l'asiatique soit confus. Le brun aux cheveux lisses ne savait pas lui-même ce qu'il disait car il était encore difficile pour lui de clairement définir son lien avec Natsume. Ils n'en avaient pas à proprement parlé, mais il savait juste que son attraction n'était pas anodine. Après tout ça ne faisait ça avec personne d'autre que lui. Il sentait juste sa poitrine tambouriner à chaque fois qu'il le voyait, et c'était déjà des sensations inconnues de trop. Là encore, son cœur faisait des siennes, ses joues se chauffaient. Il avait naïvement un peu espéré que l'autre finisse par comprendre tout seul pour lui éviter des explications et des hypothèses bancales, mais de toute façon, il ne comprenait pas trop ce qu'il lui arrivait non plus et il n'avait pas envie d'aborder le sujet plus que ça. Le scientifique devait sûrement le trouver ridicule, de toute façon.

« P-Peu importe. Laisse ! Oublie ce que tu as entendu, d'accord ? »

Mince. Il se sentait trembler et paniquer légèrement. Il aimerait retourner en arrière. Il aimerait que rien de tout ça ne soit arrivé. Il aimerait, quelque part, être honnête, aussi. Ce serait sans doute plus simple pour eux-deux. Mais il n'y arrivait pas. Il ne le pouvait pas. L'Enodril qui était pourtant une grande gueule quand il le voulait était bloqué face à un petit nerd qu'il s'amusait à taquiner de façon pas très intelligente. L'ironie, quand on la considérait, était belle. L'aîné était cependant né pour être tourné en ridicule, et là, il ne pouvait pas faire meilleure situation pour ça. Mal à l'aise, il finit par se coller au mur contre lequel il se laissa glisser, avant de porter une main à son visage. Il était sûr d'une seule chose : rien ne serait pareil en sortant d'ici.

« J'suppose que je peux comprendre. »

Il a haussé les épaules, l'expression parfaitement neutre, le regard toujours occupé à dévisager son interlocuteur ; quoique l'on dirait qu'il n'est pas vraiment concentré sur lui, en réalité. Il est suffisamment observateur pour remarquer les tremblements et les balbutiements récurrents de l'aîné, mais il choisit, peut-être dans une forme de pitié pour la stabilité bancale de l'autre, de ne pas en parler. Au lieu de ça, il s'éloigne distraitement, s'accroupissant pour récupérer son lapidé avec toute la douceur possible. Ceci était étant fait, il se retourne très légèrement, considérant Samaël avec une neutralité faussée. Non, rien à faire, il n'aime pas ça. Il n'aime pas voir des gens faire ce qui ressemble à des crises de panique ; et cela même si l'avis qu'il a de ladite personne n'est pas particulièrement parfait à l'heure actuelle. Il pourrait tout aussi bien l'ignorer, ceci dit. Sûrement même qu'une partie de sa personne y songe. Toutefois, il est assez honnête avec lui-même pour savoir qu'il en est bien incapable.
Ses pas le mènent tranquillement à côté du plus vieux, sans que ce ne soit trop proche, toutefois. Un demi-mètre doit les séparer, et il se laisse glisser contre le mur, se disant que ce serait sans doute mieux que de rester là à trainer debout. Et, en un sens, il peut aussi comprendre le besoin de se coller contre une paroi ; lui-même, il en était assez appréciateur quand son humeur partait en morceaux. Ce n'est pas la seule chose qu'il peut saisir, toutefois, comme dit plus tôt. Un rictus jaune et désabusé s'étira sur son visage alors qu'il caressait distraitement son lapin, le regard fixé sur la petite bête.

« J'ai des syndromes particulier. Du coup, j'arrive jamais à savoir ce que veulent les gens et je ne réagis pas de la même façon, alors j'arrive jamais à me faire de potes. Et de toute façon, quand j'en ai, c'est comme parler un langage différent. Ou ça finit avec des crises, parce que c'est compliqué. Alors je suppose que j'ai une idée de ce que tu ressens. »

Il haussa les épaules. « C'est comma ça » était la manière qu'il avait de relativiser, car, bah, il n'y avait pas grand progrès à ses yeux, et il avait fini par s'y habituer plus ou moins. La situation est différente, évidemment. Très, très différente. Toutefois, il ne peut pas nier que la quasi détresse de son interlocuteur lui a rappelé des choses et lui évoque des souvenirs qui sont tout juste frais. De toute façon, plus rien dans cette situation ne fait sens. Plus rien ne pourrait être davantage gênant non plus, en un sens. Natsume n'est lus très inquiété par ça. De même que par autre chose, d'ailleurs. Voilà qu'il tourne un peu la tête, affichant un rictus las sur son visage, cherchant le regard du plus vieux des yeux.

« On est quittes, maintenant, tu vois ? J'peux rien dire, et tu peux rien dire. »

Probablement que c'est pour ça qu'il ne ressent pas la moindre once de panique quant à ce qu'il vient de dire, et que ça l'indiffère si soudainement, d'un coup, pour quelqu'un qui voulait à tout prix garder son jardin secret. Il lui est devenu assez difficile de croire à la façade arrogante de Samaël, de toute façon, vu ce qu'il vient de voir. Et en même temps, il n'a pas vraiment envie de voir l'autre continuer à se décomposer ; c'est le moment qu'il choisit pour bouger juste un peu.

« T'as fais peur à Vanitas. »

Silencieusement, il pose le lapin sur les genoux de l'autre. D'ordinaire, c'est la seule chose qu'il avait pour se sentir un peu mieux ; Natsume ne connait pas grand chose d'autre, alors il fait avec ce qu'il sait.

Mais... Je ne vois pas le... Oh.
Il ne voyait pas ce qu'il voulait dire. Dans le fait qu'il puisse comprendre, il ne savait pas ce qu'il pouvait vraiment saisir de sa vie. Ou alors peut-être avait-il quelqu'un qu'il admirait en secret également ? Mais c'était flou. Très flou. Il ne saisissait pas le rapport qu'il pouvait faire entre ses syndromes et le fait que aucun des deux ne puissent parler. Qu'est-ce qui faisait qu'ils étaient 'quittes' désormais. Maintenant, il supposait qu'il pouvait capter ce qu'il avait voulu dire. Mais comment pouvait-il être si sûr que Sam ne dirait rien ? Simplement parce qu'il lui avait demandé de ne rien dire en retour de ce qu'il lui avait confié sans le vouloir ?.. Natsume était loin d'être bête, pourtant, il n'avouait pas ce genre de chose au hasard. Ce truc de syndromes... Il lui révélait alors qu'ils étaient censés ne pas s'entendre. Ne devrait-il pas mieux confier ça à des amis ? De vrais amis ? Ou peut-être que des amis, il n'en avait pas tant que ça... L'Enodril qui le voyait toujours en compagnie de sa bande de nerds... Y'aurait-il en vérité des choses qu'il ignorait quand même sur eux malgré le fait qu'il avait constamment les yeux rivés sur le Shimomura ?

« Vanitas ?.. »

Surpris qu'il le lui ait révélé des sujets qui semblaient intimes aux yeux du brun aux cheveux lisses, ce dernier le fut encore plus en laissant le cadet déposer son lapin sur ses genoux, à l'endroit où il se trouvait tout à l'heure. Il cligna ses yeux dorés, observant l'animal au poil noisette, sans trop savoir quoi faire. Il s'imagina qu'il devait rassurer le rongeur, s'il l'avait vraiment effrayé, alors il recommença comme tout à l'heure et fit glisser ses doigts dans son pelage, se laissant lui-même se détendre par ce contact. Comme quand caresser la fourrure de sa labrador pouvait l'apaiser, sentir la chaleur de ce petit corps contre sa paume le rendit moins nerveux. Aussitôt, alors, après quelques secondes de silence, une question soudaine vint frapper son esprit, et il tourna la tête vers le hérisson en le scrutant d'un air curieux et interrogateur.

« À toi aussi, j'ai fait peur ? »

Tout comme il y avait des chances que l'asiatique ait parlé de sa solitude indirectement en invoquant celui de son lapin, Samaël se demanda tout à coup s'il était probable que, encore une fois, la peur du maître avait pu être calquée sur celui de son animal, ou inversement. S'il avait effectivement fait peur à Vanitas, cela n'avait peut-être pas été le seul. Seul...

« Mais t'es pas tout seul. T'as des amis... Tu as Helmut. »

Oui, c'était vrai, Natsume ne traînait pas avec des fantômes, pourtant, se disait l'Enodril naïvement. Il avait bien des gens sur lesquels il pouvait compter, pas vrai ?..

« Et si tu tiens tant à ce lapin, pourquoi tu le confies à quelqu'un que tu n'aimes pas ? »

Cela ressemblait à un interrogatoire, vu comme ça, mais Samaël était de plus en plus intrigué par le comportement de Natsume qu'il comprenait de moins en moins. Ou du moins, il ne pensait pas qu'il pouvait le comprendre lui, alors le fait qu'il ne soit pas hostile malgré tout ce qu'il lui avait fait subir le rendait anxieux tout comme ça réveillait quelque chose au creux de sa poitrine.

La première question le fait gigoter nerveusement sur place. Non, Natsume ne dira pas qu'il a eu peur ; déjà, parce que ce serait « franchement ridicule et franchement la honte nan mais sérieux », et ensuite, parce que ce n'est pas exactement de la peur. Du malaise, en revanche, oui, et un malaise si fort que l'asiatique n'aime pas vraiment que l'on s'en approche, tant cette force le gêne. Alors, maladroitement, et probablement trop rapidement, il bredouille une réfutation.

« Non. »

Ce n'est pas des masses crédibles, mais c'est tout ce qu'il a sous la main à l'heure actuelle, d'autant plus que cette conversation n'est pas quelque chose qu'il apprécie franchement à l'heure actuelle. Il est pourtant celui qui l'a engagé de nouveau, et c'est un comportement qu'il ne comprend pas nécessairement non plus. Stressé, si il écoute son interlocuteur, c'est toutefois en détournant un peu le regard, le début d'un rictus jaune sur ses lèvres mordues. Non, définitivement, il ne peut probablement pas comprendre ; et en même temps, comment pourrait-il, puisqu'il n'est pas dans sa tête, et n'a certainement pas le même vécu. Sans tomber dans les clichés caricaturaux, leurs espaces et leurs connaissances sont assez diamétralement opposées, alors sans doute qu'il parle dans le vide, à l'heure actuelle ; du moins, c'est la sensation qu'il a.

« C'est pas... C'est pas si simple. »

Il hausse les épaules. Il n'a ni l'envie, ni la capacité de rentrer dans les détails, à vrai dire. Ou disons plutôt que les questions successives de l'aîné commencent à aggraver son malaise, et qu'il a du mal à tenir en place, tiraillé par la nervosité. Il hésite, toutefois, pendant quelques secondes. Sa dernière remarque a piqué juste, malheureusement, et si il y a une chose que Natsume déteste, c'est bien que l'on mette en exergue ses contradictions. C'est que tout cela redevient personnel, d'un coup, et il n'a pas vraiment envie de traîner sur ces plates-bandes. Toutefois, se taire aurait été plus insupportable, alors c'est finalement après plusieurs secondes qu'il reprend la parole, la voix se voulant neutre, le regard faisant de temps à autre des allers-retours entre son interlocuteur et le sol.

« J'aime pas voir les gens paniqués, c'est tout. M'en fiche du reste. »

Probablement qu'il est un peu plus sec que désiré, mais en même temps, vu la nervosité qui lui fait pincer sa propre paume, ce n'est pas des masses étonnant. Et d'ailleurs, il n'est pas en train de mentir, ce qui est justement un point susceptible de le faire hésiter encore un peu plus : c'est compliqué, de dire la vérité. Mentir par omission ou envelopper les faits dans des termes flous, c'est bien plus pratique, ne serait-ce qu'à vivre. Dire les choses, toutefois, c'est une activité à laquelle Natsume n'est pas du tout habitué ; rien d'étonnant au vu de son passif, en un sens.
Sa tête s'est reposée contre ses propres genoux. Plusieurs secondes sont passées, et il se rappelle bien de ce que l'Enodril a dit : l'ignorer serait suspicieux. Il reprend la parole, plus lent cette fois-ci, comme si il mesurait ses propres propos.

« Tu vas pas lui faire de mal, sinon, tu l'aurais fait avant. T'es lâche et égocentrique, mais probablement pas complètement pourri jusqu'à l'os. »

C'est sûrement un peu sec et brusque, dit comme ça, mais il ne le réalise pas. Pour lui, ce n'est que la simple constatation de ce qu'il pense, comme si ses impressions étaient parfaitement logiques et dénuées de tout biais ou de toute forme de rancune quelle qu'elle soit. Alors pour le coup, Natsume ne fait pas vraiment attention. C'est un rictus amer qui finit par lui déformer les traits, toutefois.

« Qu'est-ce que j'en sais, toutefois. Probablement que dalle. J'suppose que je suis con, c'est tout. »

C'est pratique, de changer de sujet. Ça évite de dire qu'on espère un peu, au fond, que la personne avec qui l'on discute n'est pas si mauvaise que l'image qu'on s'en est faite, ou que c'est compliqué, de gérer la rancune et divers autres soucis. Le sarcasme, parfois, c'est aussi une bonne couette pour s'emmitoufler loin des mots importants, trop complexes à dire et à entendre.

Il tourna la tête d'un air interrogateur, ne comprenant pas où l'autre voulait en venir tout d'abord quand il lui répondit. Ou du moins, quand il finit par saisir qu'il parlait de lui et du fait qu'il avait bel et bien paniqué devant l'autre, il sentit ses joues chauffer et fit rentrer un peu plus sa tête entre ses épaules. Il avait dû être assez ridicule. Au moins, il se réconforta légèrement en se disant qu'il ne l'avait pas effrayé, à défaut de son lapin. Ce dernier semblait d'ailleurs un peu plus calme, se laissant bercer par les caresses de l'Enodril qui s'en trouva lui-même apaisé progressivement. Il mentirait toutefois s'il disait que le Shimomura ne l'inquiétait pas un peu par moment. Il semblait être en proie à des problèmes dont son agresseur ignorait tout.
Il faillit répliquer quand l'autre exposa ses défauts, mais se ravisa bien assez tôt pour ne pas se plaindre ouvertement. Lâche, oui, mais égocentrique, non, pensait-il, avant de se rappeler qu'il venait d'avouer ne pas avoir fait attention au ressenti de l'autre plus vite quant à ses actions envers lui. Qu'il le sache lui-même était une chose, mais qu'on lui expose aussi directement à la figure en était une autre, surtout venant du cadet. C'était un peu plus douloureux à entendre qu'il ne l'aurait cru, et au fond il n'était pas dupe sur la raison. Si on pouvait reprocher bien des choses à Sam, il était pourtant vrai que, même pour faire le kéké, jamais déjà il n'irait blesser quelqu'un consciemment, mais surtout jamais il n'oserait toucher à un animal. Une limite qu'il s'était imposé et qu'il devrait peut-être étendre un peu plus, maintenant qu'il y songeait. Cela aurait probablement évité qu'il ne fasse du mal au plus jeune. Ce dernier lui fit de la peine. Sans doute ne comprenait pas mieux la situation et était tout aussi perdu que son interlocuteur. Mais il ignorait quelle réponse donner, alors il sortit ce qui lui passa par la tête.

« Pfft... Si tu étais con, tu n'aurais pas les meilleures notes en math et en sciences. »

S'il réfléchissait un peu plus et qu'il n'était pas aussi stupide, il saurait toutefois que là n'était pas le problème et que ce n'était probablement pas ce que le hérissé voulait entendre. Pour le coup, Sam crut le réconforter. Mais il était évident que puisque c'était lui l'une de ses sources de ses nombreux ennuis, alors il était naïf de penser qu'il pourrait lui remonter le moral après tout ce qu'il lui avait fait. Pourtant... Il savait que le Shimomura, de son côté, avait tenté de l'apaiser par le biais de Vanitas. Que pouvait-il faire, dans ce cas, sinon abaisser progressivement les barrières qu'il mettait volontairement entre eux ? Peu à peu, les murs se fissurent, et le masque avec. Il lui aura fallu du temps, mais quand il sentit une boule lui bloquer la gorge et de multiples remords remonter jusqu'à lui, alors il sut qu'il avait fait trop de conneries et qu'il était peut-être enfin temps d'être honnête, pour une fois. En le voyant dans cet état, il se rendait compte qu'il ne pouvait définitivement pas rester impassible. Un creux, dans sa poitrine, l'en empêchait.

« … C'est moi... qui ai été con. »

Après un silence interminable, il replia un peu ses jambes contre lui, sans serrer trop fort le lapin qu'il avait cessé temporairement de caresser. Il baissa la tête, tandis qu'une partie de son regard se voilait légèrement. Les mots eurent beaucoup de mal à sortir de lui pour une raison inconnue mais qui le frustrait au plus haut point.

« Pour l'autre soir... Je voulais pas... »

Une main se sépara du pelage du lapin pour aller serrer un pan de son t-shirt. Son cœur battait plus vite et il déglutit, se sentant tout à coup coupable et idiot.

« Je regrette ce qui s'est passé. »

Ce n'était pas de réelles excuses, il le savait. Ces dernières tardèrent à venir. Pas pour une question de fierté, cependant, ou du moins c'était ce qu'il se disait. Il ne savait pas comment les formuler, tout simplement. Et pourtant, pour l'autre, ça avait eu l'air si peu difficile.

Son 'compliment' a du mal à lui tirer une forme d'appréciation. Sans qu'il ne sache trop pourquoi, il ne ressent qu'une sensation de malaise au creux de sa poitrine et il garde un œil méfiant sur la personne à côté de lui. La confiance qu'a Natsume en son interlocuteur est pour l'instant bien trop mince pour qu'il puisse croire la sincérité de ce dernier, ou même qu'une moquerie passive-agressive ne se cache pas derrière ses propos. L'asiatique ne comprend pas ce qu'il cherche à faire, si ça a même un sens, en vérité, alors il reste silencieux, l'oeil attentif. Il est un peu fatigué, en réalité.

Ses sourcils se froncent très légèrement devant les « aveux » progressifs du plus âgé, son regard s'aiguisant au fur et à mesure que l'incertitude de l'Enodril se révélait de plus en plus évidente au fur et à mesure qu'il parlait. Natsume ne sait pas à quoi il assiste, ni ce qu'il entend, dans les faits. Pour lui, ce ne sont pas des excuses. Des paroles, oui, probablement que c'est quelque chose de personnel, que d'exprimer des émotions à ce sujet. Aux yeux du Shimomura, qui le dévisage maintenant dans un silence muet, les lèvres fermées dans une ligne illisible, il y a de fortes chances qu'il soit sincère. C'est une nouvelle anomalie dans son comportement qui, imprévue, le rend confus et incertain quant à la marche à suivre. Au début, il laisse le silence se faire, observant avec une certaine retenue. Le début d'une grimace finit par se dessiner difficilement sur le coin de ses lèvres.

« Je vois. »

Il devrait pouvoir dire que « c'est bon, c'est pas grave ». Passer l'éponge, lâcher l'affaire, et faire comme si de rien n'était arrivé, « yodladidou tout le monde il est content allons faire de la balançoire dans un petit parc pour devenir les meilleurs amis du monde ». Pourtant, quelque chose coince dans sa gorge. Non, rien à faire, il n'arrive pas à prendre cela comme des excuses valables, et à ses yeux, ce n'en sont pas. L'autre lui fait part d'un regret, d'un sentiment personnel : pas d'une preuve qu'il assume et qu'il compte faire quoi quant à toute la peine qui s'est accumulée depuis un moment déjà. Natsume n'est pas entièrement inconscient de ses propres torts, comme la vilification ou la défensive violente sur laquelle il se mettait avec l'autre, mais à ses yeux, ce n'est pas pareil. Rien à faire, quelque chose continue de coincer : les murs tiennent solidement.
Les crocs, toutefois, se sont abaissés. Le Shimomura ne voit pas de raisons de rejeter violemment ses propos. Aussi satisfaisant que ce pourrait être, il n'a jamais été un grand sadique, et deuxièmement, il n'en verrait pas l'intérêt. Une part de lui est satisfaite de la petite admission qu'il a entendu, mais la froideur dans sa poitrine n'a pas disparue. Il se sent bien capricieux, tout à coup, mais dans les faits, il ne voit pas vraiment de raison de lui donner le bon dieu si soudainement. Pour Natsume, Samaël n'est rien qui ressemble à un ami, un proche, ou une connaissance amicale, pour le moment. C'est quelqu'un. Quelqu'un qui n'est probablement pas aussi pourri que ce que ses actions font apparaître, mais ce n'est pas suffisant pour qu'il le considère avec une forme d'amicalité pour le moment. Ou du moins, disons plutôt qu'il a bien trop peur de le faire.

Ce n'est pas son genre, toutefois, d'aimer laisser les gens en peine. Malheureusement, ce n'est pas un comportement tout à fait sain non plus ; ce ne serait pas la première fois qu'il se montrerait un peu trop « tolérant » avec les gens de qui il a des raisons de se méfier. La situation n'est pas la même du tout, évidemment. Toutefois, il finit par esquisser le début d'une grimace mi-embêtée, mi-incertaine.

« C'est bon, personne le saura. J'suis pas un cafteur. »

Probablement qu'ils n'en seraient pas là si c'était le cas, mais c'était un tout autre sujet. Et ce n'est pas vraiment l'intérêt premier non plus, mais il en a bien conscience : ce n'était qu'une façon de gérer sa propre gêne. Une gêne qui le pousse à soupirer longuement avant de reprendre la parole, l'une de ses mains passant distraitement caresser Vanitas qui ne semble pas disposé à bouger de sa position, bien à l'aise contre l'adolescent.

« Peux pas dire désolé. Mais je considère que ça faisait office de la somme de tout ce que j'avais besoin de dire, je suppose. »

C'est égoïste, sûrement. Pourtant, Natsume n'a pas envie d'être malhonnête sur ce point : il n'en a ni l'envie, ni la sensation de devoir le faire. Le jeune châtain pense que c'est sans doute un meilleur choix d'actions que d'en bredouiller des insincères pour flatter l'ego de son interlocuteur. Il n'est pas forcément sûr, de toute façon, qu'il y ait vraiment de bonnes réactions à avoir. Maintenant, ou plus tard.
Son regard se repose sur l'aîné. Son expression est indifférente, neutre, mais dans le creux de ses iris persiste quelque chose de presque sérieux. Il en devient plu sincère, sans même s'en rendre compte.

« À toi de voir sur ce que ça va changer. »

Natsume n'espère pas grand chose, dans les faits. Probablement qu'il parle d'ailleurs un peu pour se donner bonne conscience. Toutefois, il n'est pas dans sa nature de cracher au visage de ceux qui essaient ; que ce soit une bonne ou une mauvaise chose.

Il ne savait pas à quoi s'attendre sa part. Peut-être tout. Peut-être rien. Mais il avait simplement dit ce qu'il avait à déclarer pour sa part. C'était mince, toutefois, il le savait. Le reste mettrait simplement du temps à sortir. Un jour, peut-être, mais... Probablement pas aujourd'hui. Il y avait quelque chose qui le retenait. Une force invisible. Il sentait que ce n'était pas le bon moment non plus, même si c'était absurde en soit puisque l'autre méritait largement des excuses. Il lui fallait néanmoins du temps pour comprendre ce tout ce qu'il avait fait jusqu'à présent était à la fois inutile mais aussi blessant. Pour le moment, la neutralité du cadet, si elle n'était pas surprenante, le rendait nerveux et mal à l'aise. Il aimerait qu'il parle de nouveau, qu'il raconte n'importe quoi, mais qu'il parle. De nouveaux silences seraient peu supportables, à leur niveau. Heureusement pour lui le plus jeune reprend la parole. L'Enodril met un peu de temps à comprendre ce qu'il veut dire en revanche, mais il ne l'interrompt pas et se contente de l'écouter. Sam ne lui demandait pas d'être désolé, de toute façon. Néanmoins, il y avait bien une chose qui était sûre : rien ne pourrait être comme avant. En sortant de cet endroit, le plus âgé ne s'imaginait pas recommencer comme si de rien n'était et continuer à l'embêter. Surtout maintenant qu'il prenait conscience de la gravité de ses actions auprès du Shimomura. Et qu'il se mettait à se sentir mal, ou du moins, à avoir une pression sur la poitrine qui prenait de plus en plus d'importance. Une boule dans la gorge se formant, il ne sut pas quoi dire. Finalement, en douceur, il prit Vanitas entre ses mains et le souleva pour le poser sur les genoux de Natsume. Pour lui, le lapin devait rester avec son propriétaire. Il voulut répondre, mais les mots avaient de la peine à sortir. Ou plutôt, il ne savait pas quoi dire même s'il ne voulait pas non plus de cette ambiance pesante entre eux. Alors qu'il se décidait enfin à ouvrir la bouche pour tenter une approche qui ressemblerait davantage à de réelles excuses, il n'en eut pas le temps, car des sons le firent sursauter. Ils entendirent en effet un bruit sourd d'un objet en métal avant de voir la porte s'ouvrir d'un coup sec en grand, dévoilant trois adultes qui ne leur étaient pas inconnus.

« Ah ! Les voilà ! »

Leur professeur de sport fut le premier à s'exclamer. Il était entouré de la directrice et de Ikaël, qui s'approcha immédiatement des deux adolescents, l'air paniqué et rassuré en même temps.

« Sam ! Natsume ! »

Au moment où son fils se leva à l'entente de son nom, Ikaël se précipita sur lui pour l'enlacer, inquiet, avant de voir s'il n'était pas blessé. D'un air tout aussi préoccupé, il scruta l'autre adolescent qu'il connaissait bien par le biais de son amitié avec Miyu.

« Vous n'avez rien ?
- Euh-N-Non, ça va. Rien de grave, on... On était juste enfermés.
- Oooh, mon pauvre trésor. Papa est là, maintenant, tout va bien. »

Comme une peluche, Ikaël serrait son fils contre lui en le bordant. Gêné, le concerné sentit le rouge lui monter aux joues, encore plus en sachant que Natsume doit assister à cette scène embarrassante. Mais malgré ses 'c'est bon, p'pa, tu peux me lâcher, on est en public', le blondin, soulagé, ne le lâcha que lorsqu'il décida qu'il avait assez comprimé son enfant entre ses bras. Nul doute qu'il aurait été capable de faire la même chose avec Natsume mais il ne se le permit pas. Il était déjà rassuré que les deux adolescents aient été découverts à temps et qu'ils n'aient pas souffert davantage de leur enfermement. La directrice s'était faite jusque là discrète, mais un détail attira tout à coup son attention une fois que la pression fut retombée, maintenant que les élèves étaient saufs.

« Ouf ! Voilà le mystère résolu. Bon, maintenant que tout le monde-... Mais... Qu'est-ce que c'est ça ?! »

Elle poussa un petit en poitant quelque chose du doigt. Curieux, Sam suivit la direction de son index et cligna des yeux en constatant qu'elle visait Vanitas. Une seconde plus tard, il fut capable de faire le rapprochement et de voir où était le problème. Alors, aussitôt, il tressauta et le stress monta en flèche chez l'Enodril qui savait très bien ce que ça voulait dire pour son camarade.

« Ah !..
- Oh ! Monsieur Shimomura ! Vous savez bien que les animaux sont interdits dans l'enceinte du bâtiment, c'est écrit dans le règlement de l'école ! Ne m'obligez pas à encore appeler votre mère ! »

Le regard de Samaël passa de Natsume à la proviseure, le cerveau en ébullition pour tenter de trouver une échappatoire. Mais comme il est aussi bon penseur que scientifique, il coupa tout moyen à l'autre de se défendre en parlant le premier avec une spontanéité qui l'étonna lui-même.

« Euh... Attendez ! En fait, c'est le mien !
- … Plaît-il, Enodril ?
- Bah, euh... C'est Vanitas, mon lapin. Je l'ai ramené parce que euh... Sinon il allait être tout seul à la maison et j'avais peur qu'il mange des câbles. »

... J'ai dit quoi, là ? Merde, merde, merde ! Je m'enfonce, là, elle va pas me croire, c'est archi bidon !
Il ne savait pas pourquoi il avait dit ça. C'était sorti tout seul. Pourtant, Sam n'était pas si bon menteur qu'il aimerait le faire croire, d'une part, et de deux, le lapin se trouvait bien dans les bras de Natsume, et non les siens, après tout. On pourrait se demander la raison. Ces excuses bancales n'auraient pas été très convaincantes sans l'intervention d'Ikaël. Pourtant, à la plus grande stupéfaction de Sam, ce fut au tour de son père d'intervenir pour protéger les deux garçons.

« Aheum... En fait, ma femme est vétérinaire. Quand elle ramène des bestioles à la maison, c'est Sam qui s'en occupe. »

Abasourdi, le brun aux cheveux lisses écarquilla les yeux en croisant ceux identiques de son géniteur. Ce dernier lui lança une expression entendue et complice qui plaça le plus jeune en confiance et lui fit pousser un soupir de soulagement. Ikaël était plutôt du genre à vouloir que sa progéniture apprenne les leçons par elle-même, mais pour connaître à la fois son gamin et le lapin dont il était question, il savait qu'il y avait forcément une raison pour qu'il se mette autant en avant en racontant des bobards. Et bien sûr, l'Enodril le plus vieux savait qu'ils n'avaient qu'un seul animal à la maison, et c'était leur labrador. Alors, sur le coup, il avait décidé de lui donner un petit coup de pouce quand il comprit que l'appel à l'aide était évident. Et le pire, c'est que l'appui d'un adulte suffit à la directrice à passer l'éponge, même si elle semblait réticente et probablement pas assez dupe pour ne pas mettre de doute sur cette histoire.

« Hm.. Je suppose que vous avez assez vécu d'aventure pour aujourd'hui, alors je ferai l'impasse sur une retenue. Mais c'est la première et dernière fois ! »

Faussant un sourire, Sam hocha vivement de la tête avant de reporter son attention sur son père, d'un air un peu pressé. Il avait hâte de sortir d'ici, après tout ça.

« On peut rentrer, alors ? Nos cours sont finis depuis une heure.
- Oui, bien sûr, mon grand. »

Ikaël se tourna ensuite vers l'adolescent aux cheveux hérissés.

« Natsume, ta maman m'a appelé. Elle ne peut pas venir te chercher maintenant alors elle m'a demandé si je pouvais te ramener chez nous le temps qu'elle passe te prendre. »

Le cœur de Samaël rata un battement. Il allait encore devoir rester un moment avec Natsume, ça veut dire ?.. Il ignorait en vérité si, au fond de lui, cette perspective lui faisait plaisir ou peur. Mais au moins, Vanitas était sauf le temps qu'ils rentrent. Penser à ce qui allait se produire dans le futur le faisait toutefois frissonner.
Je ne pourrai plus l'embêter comme avant, mais... Je suppose que c'est mieux ainsi. Mais que va-t-il se passer, maintenant ?

Natsume n'aime pas mettre des espoirs dans les choses, plus particulièrement dans les actes des autres. Ce n'est pas vraiment pour jouer à l'emo de service (bien qu'il doive l'être un petit peu tout de même, ça lui arrive de regarder des fringues de goth avec un air envieux de faux prep-nerd réprimé), mais plutôt car, bah, on est rarement déçu par ce que l'on n'espère pas. Et dans son sac, il n'a très certainement pas envie de se faire avoir en posant quelques espoirs sur Samaël ; il avait déjà fait ce genre de choses avec d'autres personnes auparavant, alors on ne l'y reprendrait pas. Certainement que ce n'est pas sans aller contredire son inclinaison à écouter, malgré tout, ce que voulait dire son interlocuteur. La contradiction, toutefois, il ne la remarque pas : elle est pourtant une parfaite illustration de l'ambivalence qui le parcoure en ce moment. Il n'est pourtant pas sans savoir que quelque chose cloche et c'est pour cela qu'il n'ose pas recroiser le regard de son interlocuteur, de peur de ce qu'il pourrait y trouver.
Un grand bruit le fit sursauter brutalement, ouvrir de grands yeux et se coller contre le mur d'un air paniqué. Une de ses mains crispées s'en va attraper avec rapidité son casque et garder son lapin contre lui, la gorge nouée. Rien à faire, Natsume n'aime pas les grands bruits, encore moins quand ils sont proches. Il lui faut un temps pour comprendre qu'il ne risque rien, et remarquer les visages qui se dessinent devant la porte dorénavant porte pour saisir que leur petit « embêtement » est terminé.

Des visages qu'il reconnaît sans trop de difficultés, alors que d'ordinaire il n'était pas bien doué pour ça. Du peu qu'il voit, même la directrice s'est ramené, accompagné de leur professeur de sport ; deux personnes qu'il ne souhaitait pas vraiment voir ici, à vrai dire, mais c'était un peu inévitable. Embêté et intimidé, le Shimomura se rétracte contre lui même, jetant des coups d’œil nerveux envers la sortie qui lui semble d'un seul coup particulièrement désirable. L'idée de s'enfuir en courant est presque tentante, mais il est encore assez logique pour savoir que cela ne servirait à rien. La nervosité, malgré tout, le fait rester bêtement immobile.
L'homme qui vient d'arriver, et que l'asiatique peine à reconnaître au début, semble être le paternel de l'Enodril ; si la manière qu'il a de se saisir de son « pauvre trésor » en est une preuve, du moins. Étonné, Natsume observe la scène avec une tête de poisson, incapable de savoir où se mettre à un moment pareil. En temps normal, sûrement qu'il rirait un peu si il n'était pas aussi à l'ouest, un peu surpris, déconcerté et franchement terrorisé à l'idée qu'il lui arrive un jour la même chose en public. Brr. Si sa mère avait été là... Tiens, d'ailleurs, elle n'était pas là ; rien de surprenant, mais il ne put s'empêcher de tiquer, perturbé. Sans doute avait-elle appelée, au moins, alors pourquoi... ?

Sauf qu'évidemment, les ennuis n'allaient pas s'arrêter là pour sa petite tronche. Cette dernière avait remarqué le lapin, et par réflexe, la prise du scientifique se raffermit autant que possible sur la petite bête, le gardant contre son torse comme si il avait soudainement peur qu'on le lui enlève. Pour tout ainsi dire, il n'avait pas vraiment de crainte que sa mère soit prévenue ; elle ne s'énerverait pas. En revanche, elle se ferait du souci, et ça, c'était une idée qu'il ne supportait pas. Grimaçant, son expression se peignit d'une teinte d'effroi. Il aurait repris la parole, quitte à tomber dans les supplications pathétiques, si, pour sa grande surprise, Samaël ne l'avait pas fait à sa place.

Le spectacle qui se déroula sur ses yeux avait quelque chose de franchement incroyable. Si on le lui avait dit, Natsume n'y aurait jamais cru ; et franchement, ça n'était pas étonnant. Incrédule, il reste silencieux tout le long, mais il est quelque peu estomaqué par les efforts du plus âgé pour fabriquer un mensonge, quitte à se ridiculiser. Ou plutôt, disons plutôt qu'il y avait des chances pour que cet effet soit plus involontaire qu'autre chose. Dans tous les cas, sa plaidoirie, aussi bancale qu'elle soit, le surprend et le laisse bien incapable de se faire un avis sur la situation. Natsume n'ose pas ouvrir sa bouche : ce serait probablement ruiner tous les efforts du sportif. Toutefois, plus les secondes passent, et plus il a la sensation que c'est voué à l'échec. De toute façon, il n'aurait jamais supporté le fait de laisser quelqu'un d'autre gérer ses affaires et -...
… Et visiblement, la pomme ne tombait pas bien de l'arbre, puisque c'était maintenant le père de Samaël qui venait de venir à sa rescousse. C'était évident, bien assez pour que Natsume se demande pourquoi diable il faisait cela, mais visiblement, cela suffirait à calmer cette dragonne de directrice pour le moment. Incertain et rendu tellement nerveux qu'il avait l'impression qu'il allait bientôt se mettre à vibrer à travers les murs, il se serait presque mis à courir pour retourner chez lui à toute vitesse si il n'avait pas été arrêté avant de le faire.

… Ah, oui, c'était de là qu'il connaissait vaguement le visage de l'adulte de la pièce, en fait. C'était un ami de sa mère, ou quelque chose du genre. Comprenez bien qu'il avait un peu de mal à faire le lien entre « Lyra-nounette et Ika-choupi » jusqu'à maintenant pour des raisons évidentes, mais que ce n'était plus le cas dorénavant. Perdu et un peu confus, il plisse les yeux en entendant dire qu'il doit suivre Enodril-père. Bon, que sa mère ne soit pas là, soit, c'était plutôt un attendu, en fait. Le contraire l'aurait autant étonné que mis la honte. En revanche, qu'elle lui dise de partir avec quelqu'un en attendant, c'était un peu plus étrange. Se rappelant par ailleurs distraitement de Nagisa que lui avait répété mille fois de ne pas suivre des inconnus (car oui, enfant, il avait cette tendance), il oublia vite ce détail en se disant que, bah, au pire, c'était différent.

« Ah, euh, d'accord, m'sieur. »

Ou quelque chose comme ça. Bredouillé de cette façon, c'était franchement pathétique. En même temps, il n'arrivait vraiment pas à savoir comment se comporter avec le père de Samaël, qui n'avait pas l'air aussi désagréable que son rejeton. Vu le comportement du fils, quoique ce dernier pouvait  peut-être ne pas être une hémorroïde vivante quand il le désirait, Natsume se serait attendu à un gros beauf de service, un peu stupide et rustre, ou un truc du genre. Mais non. Visiblement, c'était toujours un peu plus compliqué que ses préconceptions, le monde.
Silencieusement, il choisit de les suivre sans dire grand chose, craintif de faire une bêtise. Pendant plusieurs secondes, il resta volontairement en arrière, dans un réflexe devenu une habitude. C'était toujours plus simple de se mettre en retrait, et d'expérience, cela lui évitait bon nombre de sales coups : alors à force, c'était quelque chose qu'il faisait sans même y réfléchir.
Toutefois, il ne pourrait pas continuer longtemps. Il le savait bien : quelque chose le démangeait depuis tout à l'heure. Câliner Vanitas pour se détendre et apaiser son stress grimpant n'allait pas marcher longtemps. Stressé, il serra l'une de ses mains contre son propre pull, mais finit par trouver un peu de courage au fond de sa lâcheté. Finalement, il se rapprocha timidement pour balbutier quelques mots aux deux autres.

« … Merci, pour, euh, la directrice. À vous deux. »

C'est à dire que cela lui écorchait un peu la bouche, mais il n'était pas du genre à être de mauvaise foi face aux bonnes actions des autres.
Être de mauvaise foi face à la sensation que ce petit événement allait potentiellement avoir des conséquences importantes, en revanche, ça, c'était différent. Tout particulièrement quand il ne savait plus vraiment quoi penser de son camarade, qu'il évite soigneusement de regarder depuis qu'ils sont sortis. C'est que c'est compliqué, tout ça. Encore plus quand on doit envisager, sans vraiment le vouloir car son cerveau est un traître, qu'il y aurait peut-être quelques choses à reconsidérer. Un jour ou l'autre.