edge avec natte-sous-mai et lit-au-n'aile

L'idée de se cacher dans un club ou au CDI en attendant que l'heure passe pour ne pas avoir à croiser d'autres formes de vie humaine était vieille comme le monde. Expérimentée par mille autres avant lui, elle n'avait rien de révolutionnaire et il ne faisait que l'emprunter humblement. Caché dans un coin du club manga où il ne traînait que rarement, il avait préféré s'installer ici que de de rentrer maintenant. C'est-à-dire qu'il ne retourne pas vraiment chez lui lorsqu'il prend le bus, ces temps-ci, et que bizarrement, il a encore beaucoup de mal à être à l'aise avec le fait de vivre, même temporairement, chez les Enodrils. Alors, sans surprise, il a opté pour la tentative de marouflage classique du « si je suis visible le moins possible alors j'embête beaucoup moins et le malaise est moins insupportable », intimement persuadé de son efficacité. Et de sa non-lâcheté, aussi.
Pour éviter qu'on ne vienne discuter avec lui, si jamais, car des fois le casque anti-bruit ne faisait apparemment pas office de signal suffisant et certains avaient l'audace de faire passer son absence de volonté d'interaction pour une forme d'impolitesse, Natsume avait opté pour la vieille tactique du « passe un livre de cours par dessus ton bouquin/manga/jeu vidéo ». Généralement, personne  ne s'intéressait aux quotients vectoriels en dehors des examens, donc personne ne venait lui taper la conversation. Enfin, hormis Helmut, et encore, ça dépendait des jours puisqu'il n'avait pas l'air de tenir la forme ces temps-ci même si le Shimomura n'osait pas le dire à haute voix, de peur d'enfreindre une ligne blanche. Toujours était-il qu'il s'attendait à un silence complet jusqu'à ce qu'un surveillant ne vienne le virer d'une voix criarde et insupportable, plus ou moins dans l'espoir de noyer ses pensées dans un tome d'une (énième et très mauvaise) adaptation d'une série de gundams.

Dans les faits, il n'avait pas vraiment calculé que si il y avait bien une personne qui galérait autant à comprendre les codes sociaux, c'était Lionel.
Les oreilles bien cachées dans son casque, il ne l'entend pas tout de suite arriver. Lové dans sa propre tête, il ne détourne pas les yeux de sa bulle et ne plisse les sourcils que lorsqu'un son atténué arrive à ses tympans. Cela sonne comme un borborygme et il l'ignorerait presque si une odeur qu'il reconnaissait n'était pas parvenue à ses narines. Ses sourcils se froncent dans une moue presque grossière et il ouvre de grands yeux surpris, portant -enfin- son attention vers le protagoniste entré dans la pièce. Plus concentré, il peut enfin entendre convenablement le Roque-Lartigue et descend mécaniquement son casque pour comprendre ce qu'il dit.
Cela fait un moment qu'il ne lui a pas parlé ; depuis cette soirée de malheur, à vrai dire, puisque son quotidien avait été quelque peu troublé pendant ces dernières semaines et qu'en règle générale, il n'allait pas vraiment vers les autres. Dans son cas, surtout, il ne s'était pas attendu à ce que le bleu lui adresse de nouveau la parole un jour. Voilà donc pourquoi il est totalement pris de court par son attitude et sa question, balbutiant une réponse qui ne ressemble pas à grand chose.

« Je, euh... Oh, euh, oui. Pardon pour le... Enfin, tout ça. »

Il parle un peu vide sous l'effet de la rapidité de l'enchaînement de ses propres pensées, quoique une grimace désolée s'étire sur ses traits. Pendant quelques secondes des images défilent dans sa tête ; la scène avec Enodril, son propre marathon de vomi dans les toilettes avant d'appeler Daichi de la manière la plus piteuse qui soit (puis de faire tomber le téléphone de Clive dans le vomi-toilettes et pleurnicher par dessus la cuvette parce que vraiment il devait être le plus gros caca du monde) et de finir par rentrer chez lui il ne savait comment pour se taper une gueule de bois monstre... Eh bien, disons qu'il ne sent pas très malin et qu'il évite donc de faire le kéké à l'heure actuelle, parce que ça serait tout de même franchement gonflé de sa part. Ou du moins, parce qu'on a tellement intégré de force les règles de « politesse » (en vrai ça n'en est pas) dans sa tête qu'il tend à culpabiliser très aisément à ce sujet et à se faire assez petit, sans surprises.

« Je... Je révise, tu cherchais quelqu'un ? »

… Ce qui, en conséquences, lui faisait prendre des décisions très stupide et idiotes, comme le fait de mentir sur son activité alors qu'il suffirait que le plus vieux relève la tête pour se rendre compte qu'il était plutôt en train de ne rien foutre comme le dernier des flemmards (et ça, c'était pas bien (TM)). Il ne sait même pas pourquoi il a dit ça, dans les faits, si ce n'est pour éviter de passer pour un glandeur (voir ci-dessus). Toutefois, il doit avouer que sa curiosité quant à la raison de la présence de l'autre avait réussi à le sauver de l'impasse pour le moment ; elle est sincère, d'ailleurs.

Les trois quarts du temps, Natsume ne se rend compte que d'une moitié des choses qui arrivent dans le club. C'est à peine si il est présent, des fois, tant sa tête est souvent ailleurs. Il n'est donc pas étonnant qu'il n'ait pas remarqué l'autre, ni remarqué son manège avec les bouquins qu'il avait laissé à Julianne. Il l'écoute toutefois avec une certaine attention, même si son regard porté ailleurs pourrait laisser croire le contraire. Sans doute est-ce pour cela que, même avec son casque remonté près de ses oreilles (pas dessus, car de temps à autre il trouve ça irritant, le son du vide), il est pris d'un léger sursaut en entendant le début d'une chanson criarde provenir de l'ordinateur de Lionel. Perplexe, il hausse vaguement les sourcils, mais, n'osant pas poser de questions car il faudrait alors tenir la conversation et ça serait gênant, il garde le silence.
Gênant, de toute façon, ça l'était, puisque les questions successives du bleu firent bouger ses traits dans une expression de confusion complète. Enfin, ça, c'était seulement après qu'il ait manqué de balbutier un déni en prétendant qu'il n'était pas du tout en train de glander, mais c'était probablement trop tard, alors il se rattrapa sur la suite, quoique avec une longue hésitation.

« B-bah, euh, oui... ? »

C'est-à-dire qu'il n'arrivait pas vraiment à comprendre le choc apparent du plus vieux, surtout quand on le regardait souvent de travers à cause de ça et qu'il ne comprenait pas ce que ça avait de franchement impressionnant. Après tout, il ne s'étonnait pas que les autres sachent lire le français, lui, alors...

« Je suis, hm, pas né dans ce pays... ? »

Son ton hésitant n'est pas vraiment un hasard. Parce que oui, il n'était pas trop sûr de savoir si l'autre était sincèrement surpris ou non. D'ailleurs, puisque l'autre lui avait adressé la parole, il supposait qu'il devait probablement continuer la conversation et prit la première chose qui lui passait par l'esprit, quitte à ce que ça sonne un peu forcé.

« … Tu n'as pas cours ? »

Même à ses oreilles, son ton lui paraissait plat et morne. Il n'a pas envie que l'autre pense qu'il le trouve pénible ou qu'il le snobbe, comme c'est souvent l'impression qu'il donne, mais il ne sait pas non plus ce qu'il attend de lui, à l'heure actuelle. Sans grande surprise, il se retrouve donc à sortir de grandes banalités, le regard allant nerveusement de Lionel à son bouquin, n'arrivant plus à lire.

C'est un peu pour ça aussi qu'il préfère mettre son casque et ne pas écouter les trois quarts du temps. Il évite de réaliser à quel point il est incapable de tenir une conversation à peu près normale sans que cela ne tourne en un silence gêné des deux côtés parce qu'il a encore fait une gaffe. Incapable de comprendre comment prendre la « réalisation » de son interlocuteur, il reste silencieux, assez conscient qu'un « bah oui » serait probablement malvenu ; ou du moins, il avait compris ça après qu'un camarade de classe lui ait beuglé au visage après qu'il l'ait fait.
Toutefois, pour sa grande satisfaction, l'aîné finit vite par revenir au sujet principal, mais son débit de paroles est un peu rapide pour que le Shimomura ne plisse pas les yeux d'un air confus. Pas que ce que l'autre dit soit illogique ou quoi que ce soit, mais disons simplement qu'il a un peu du mal à suivre le rythme. Une fois qu'il met ses pensées en ordre pour le comprendre, il doit avouer, toutefois qu'il saisit très bien le désir d'éloignement de son camarade. C'était, après tout, la raison principale de sa propre présence ici, même si c'était visiblement rapé pour aujourd'hui. Enfin, ça ne le dérangeait pas plus que ça non plus ; Lionel était relativement supportable, puisqu'il se gardait de se montrer trop invasif.

Sa question, toutefois, le prit de court.
… Ah, c'est rare, qu'on me demande si on me dérange, tiens.
La pensée lui fit plisser les sourcils, comme si il avait conscience, dans un coin de sa tête, que cette petite surprise avait quelque chose d'étrange. Pour autant, il supposa qu'il était en train de se poser trop de questions ou d'être « encore en train de faire le difficile » (une expression qu'il avait entendu de la bouche d'un de ses professeurs, une fois). Après tout, probablement que c'était un peu trop exigeant de sa part que d'attendre des autres qu'il fasse attention à ses petits besoins de petit princelet capricieux. Mal à l'aise pour une raison qu'il ne saisissait pas nécessairement, il s'efforça donc de reprendre la parole pour s'expliquer, non sans ressentir comme une pression dans sa poitrine qui le poussait à clarifier la situation au plus vite.

« Non, non, c'est bon. T'es pas dérangeant. »

Il haussa les épaules pour bien montrer que tout allait bien, adaptant le langage corporel le plus neutre pour ne pas sembler trop pénible. Pour autant, il ne savait pas nécessairement quoi dire, ne sachant pas si il « pouvait » le faire, ou ce qu'il était « supposé » faire. De ce fait, ses doigts jouèrent nerveusement avec les bords de son livre, sur lequel il avait bien du mal à se concentrer dorénavant. Il se rappela toutefois de la question que lui avait posé le bleu et, après ces quelques minutes, il eut moins la sensation qu'il passerait pour un « glandeur » si il assumait clairement le fait d'être en train de se détendre un peu. Timoré, mais plus assuré que tout à l'heure, il finit donc par reprendre la parole, même si ses yeux restaient bien portés vers son ouvrage. Bien faussement, par ailleurs, puisqu'il ne lisait rien, mais l'intention était juste d'en avoir l'apparence.

« … J'ai du mal à lire en français, encore. C'est juste plus facile d'avoir les versions japonaises ici, les bibliothécaires regardent pas nécessairement tout le temps si c'est traduit quand le titre est en lettres romanes. »

Pour dire vrai, il ne savait pas trop pourquoi il parlait de ça, puisqu'il ne ferait que se ridiculiser, mais il avait la sensation que son interlocuteur comprendrait, quelque part. Ou autre chose, peut-être, c'était quelque peu flou dans sa tête, à l'heure actuelle.

Mais pourquoi tu causes, aussi, hormis pour la ramener sur ta tronche ?
Hésitant et confus, il tripote nerveusement les bords d'une page de son livre, comme si les malmener avec répétitivité allait magiquement faire disparaître toute trace de son angoisse. Naïf, Natsume l'est ; pas assez, toutefois, pour ne pas saisir qu'il « parle pour ne rien dire », quelque chose que l'on lui avait souvent reproché. Pour autant, Lionel ne semble pas dérangé, ce qui lui fait hausser les sourcils mais garder le silence, bien content d'éviter un mutisme gêné. Pas que l'absence de son ne le dérangeait, loin de là, mais la panique venait le saisir particulièrement rapidement lorsqu'il sentait que quelque chose clochait au cours d'un silence.
Un rictus désabusé passe toutefois sur son visage devant les propos rapportés des parents du plus âgé, se retenant de parler car généralement, un « ah oui ils sont racistes tes parents quoi » lui valait d'être pris en grippe pour bien, bien trop de temps. Il se contente de marmonner d'une voix un peu lasse, une grimace au coin des lèvres.

« Non, c'est... C'est pas pareil. J'ai eu des cours de mandarin, mais je n'ai jamais été très bon pour la prononciation. Les caractères, par contre, c'était plus simple. »

Il n'avait jamais été doué pour les langues. Pire que ça, même ; une vraie catastrophe, bien assez pour susciter de nombreuses médisances de ses camarades et agacer bon nombre de ses professeurs. C'était comme si, pendant longtemps, la structuration des phrases ne faisait pas sens. L'orthographe, quant à elle... Eh bien, disons simplement que ce n'était pas pour rien, qu'il préférait utiliser les caractères complexes et éviter les hiragana, quitte à fatiguer les gens qui repassaient derrière lui. L'apprentissage du français, sans surprise, avec été un calvaire et il s'y était longtemps cassé les dents ; le fait que sa famille paternelle lui mette la pression au possible pour qu'il soit « plus que bilingue, car bilingue ce n'est pas assez » n'avait certainement pas aidé. Il en était resté un dégoût profond pour les langues, et une compréhension assez grande vers ceux qui galéraient, voir même une forme d'admiration envers ceux qui persistaient. Voilà donc pourquoi il esquissa le début d'un sourire, le regard plutôt doux.

« Bah, c'est pas mal déjà, tu sais. »

Pour tout dire, c'était au moins différent du « ah bah pourquoi vous écrivez avec des signes si vous avez déjà un alphabet » qu'il entendait de temps à autre. Et, en vrai... Quand il y repensait, sûrement qu'il n'aurait pas été mieux, si il avait dû apprendre sa langue natale comme langue secondaire. Grimaçant, il se remémora malgré lui quelques souvenirs embarrassants.

« Mais je comprends, pour les particules. Quand j'étais petit, je confondais les « ni » et les « de », et les « ga » et les « wa ». Du coup, ma mère pensait que j'étais rentré et j'attendais à l'école pour rien. »

Si il pouffe, le souvenir est bizarrement amer, alors qu'il voulait surtout en rire. Natsume ne comprend pas nécessairement pourquoi il aurait des raisons de ressentir le pincement d'aigreur qu'il sent piquer dans son ventre, alors il l'ignore, préférant à la place afficher une expression désintéressée sur son visage.

« … Tu sais, si tu voulais motiver tes parents, t'aurais juste à leur dire que question grosses entreprises de technologie, le Japon s'en sort bien. »

Il hausse les épaules. Il est loin d'être chauvin, et il est probablement même à l'inverse de ce défaut. En revanche, si il saisit quelque chose, c'est que les parents du genre de ceux de Lionel, il faut les motiver avec ce qu'ils comprennent, c'est-à-dire des bénéfices ; quelque chose qu'il connaît plus que bien.

Probablement qu'il parle dans le vent et devrait se mêler de ses oignons, ou quelque chose du genre. Le Shimomura ne saurait dire si il a dépassé une limite ou non, à l'heure actuelle, et oscille entre la tentation de lui dire de « ouais enfin j'en sais rien m'écoute pas » et un « euh oublie je raconte n'importe quoi ». D'autant plus que le rire un peu forcé de Lionel lui donna l'impression qu'il avait fait une gaffe et, embêté, Natsume hésita sincèrement à s'excuser avant de prétexter un très urgent besoin d'aller aux toilettes, ou un truc du genre. C'est-à-dire que c'était bien, l'excuse des toilettes, quand sa nervosité et sa sensibilité commençaient à le rendre dingo.
Perplexe face à ses propos, l'asiatique plissa les yeux, pas sûr d'être exactement d'accord avec le fait que des cadeaux aient une quelconque importance dans la situation présente. Quelque chose le met mal à l'aise dans la présentation que le Roque-Lartigue donne de tout cela ; disons simplement que Natsume a l'impression qu'il lui fait un exposé scolaire pas très convaincant mais qu'il s'acharne à répéter pour essayer de se donner confiance en lui. Mal à l'aise, il n'ose pas vocaliser la gêne qui vient de le prendre au ventre quand il pense à tout cela, craintif que cela ne se retourne contre lui si jamais il ne faisait remarquer quelque chose. Il choisit donc plutôt, très lâchement, de hocher la tête avec peu de conviction.

« Ah, je vois. »

Très clairement, l'on avait connu plus courageux. Pourtant, Lionel passa vite à autre chose, ce qui lui fit cligner des yeux avec confusion, dévisageant son interlocuteur par la même occasion, inquiet quant ce qu'il percevait comme une anomalie relativement claire. Rendu de plus en plus nerveux par les changements fréquents et soudains de son interlocuteur, Natsume eut un peu de mal à ne pas faire une attaque cardiaque lorsque le plus âgé lui proposa de venir en convention.

« Ah, euh, je, enfin, je sais pas, j'ai jamais, hm... »

L'idée de devoir répondre sur le champ lui donnait de sérieuses envies de s'enterrer sous terre, en tous cas. D'un seul coup, « deux mois » devint « deux jours », voir « dans deux heures faudrait avoir le trajet le repas et le paquet de mouchoirs au cas où si y'a pas de papier dans les toilettes », ce qui, bien évidemment, était le signe que l'apocalypse était maintenant proche. Les yeux grands ouverts,  il ouvre bêtement la bouche, incertain. Immédiatement, il se dit que l'autre doit se « forcer pour être poli », ou un truc du genre ; quoi que ce soit qui fonctionne comme excuse pour dire qu'il était un espèce de monstre qui manipulait les gens et ouin ouin ouin, tout ça. Une grimace aux lèvres, il regarde à droite, stressé.

« C'est peut-être pas une bonne idée, j'ai du mal avec les foules, je risque juste d'être lourd et, enfin... »

Ou plein d'autre choses, comme être un boulet dans la conversation, provoquer une dispute avec d'autres personnes, retarder tout le monde à force de vouloir prendre son temps ou agacer à « être si mou sérieux c'est la quatrième pause t'es lourd », ou quelque chose du genre. Pour autant, malgré cela, il devait avouer qu'un détail avait titillé sa curiosité. Suffisamment pour que, entre deux balbutiements, il fronce légèrement les sourcils, perplexe.

« Mais, vous préparez quoi, pour une convention... ? »

Non parce que, en vrai, il n'y avait jamais été. Pour diverses raisons passant par « j'ose pas », « je sais pas comment » et « mais euh pourquoi ? », mais là n'est pas le sujet.

On a beau le cataloguer comme un nerd, il n'a jamais été foncièrement mangas ou culture weeb non plus ; alors d'accord, ses cassettes de gundam par dizaines et ses vieux épisode de captain falcon ici et là pouvaient laisser penser à autre chose, mais pas vraiment. Les mangas avaient toujours été davantage un moyen d'avoir une excuse pour trainer au CDI qu'autre chose, surtout quand il ne parlait pas assez bien le français pour se farcir des trucs trop longs comme le seigneur des anneaux ou autre. En soi, en plus, il avait toujours été peu tourné vers la fiction, pour une raison qu'il ignorait. Probablement parce qu'après, il avait tendance à trop s'attacher et qu'il en avait toujours eu assez honte. Ou quelque chose du genre, il ne voulait pas y réfléchir longtemps.
Dans les faits, toutefois, Natsume a bien du mal à tenir le rythme. Lionel parle vite, et beaucoup, alors cerveau du plus jeune est actuellement en train de faire une surcharge, essayant maladroitement de recoller les informations dans sa tête sans pourtant y arriver. Il comprend vaguement que le bleu et son groupe d'amis ont des projets bien en tête, ainsi que des sortes de goodies à vendre.
... Il a l'air de savoir ce qui lui plaît, au moins, lui.
Il n'ira pas le dire, mais il est un peu admiratif de ce genre d'enthousiasme, lui qui a déjà du mal à dire qu'il préfère la sauce tonkatsu à la sauce aux huîtres. Il se sent bête, sur le coup, avec sa mollesse et son absence de hobbys qui doit probablement le rendre aussi chiant qu'un poisson rouge. Devant la question du plus âgé, il eut un instant de bug.

« Une maquette... ? De robot... ? »

C'est qu'il ne s'y connaît absolument pas ; c'est davantage Elliott, dans son cercle proche, qui est porté vers les fanfics et ce genre de choses. Ne s'y étant jamais intéressé, il ne comprit donc pas tout de suite de quoi voulait parler son interlocuteur. Prenant le portable qui lui était tendu pour jeter un coup d'oeil, il tiqua.
Ah, d'accord.
Sans être particulièrement intéressé, il était toutefois curieux de ce que le Roque-Lartigue et ses camarades avaient pu fabriquer. Lui qui n'avait pas de grandes capacités artistiques (pour ne pas dire pas du tout), était quelque peu respectueux des autres qui trouvaient le moyen de s'y adonner.

« … J'aime bien les couleurs. »

Tournant le regard pour mieux repérer les ombres, il ne savait pas trop pourquoi c'était ça, qui avait attiré son attention. Sûrement car il était un peu comme un papillon de nuit devant la lumière, face à des couleurs chatoyantes sans être trop vives. En y repensant, car il aimait bien peindre des trucs, lui aussi, il se permit de reprendre la parole, quoique un peu timidement.

« … Si j'arrive à terminer mon gundam, j'aurais peut-être quelque chose à ramener, mais je te promets rien. D'habitude, ma sœur m'aide, mais... Elle peut pas, ces temps-ci.  »

Il évita de trop s'attarder là-dessus, ne souhaitant pas y réfléchir. En vérité, c'était aussi et surtout sa mère qui l'aidait, fut un temps, mais cette hypothèse-là devenait encore plus saugrenue, maintenant. Il se surprit toutefois lui-même de sa proposition ; et il calma son anxiété naissante en se disant qu'au fond, il ne s'engageait à rien et qu'il pourrait toujours se cacher lamentablement le jour d'avant en envoyant un texto piteux. Ou quelque chose du genre.